Cela commence comme l’éternelle histoire du prince qui cherche une dulcinée. On pense d’emblée à la Belle au bois dormant : un château, un beau et riche prétendant, une mère de la bonne société anglaise qui veut marier une de ses filles. Lord Handerson, l’héritier de Blenkinsop Castle, a une rente de plus de 80 000 sterling ; les trois jouvencelles Watkins – Margaret, Maria et May – sont de délicates créatures, aux fins cheveux blonds, à la silhouette fine. Leur maman les a élevées comme de la porcelaine et étouffées comme on sait si bien le faire dans une société patriarcale. «Elle avait veillé sur leur taille étroite, leur avait appris à ne laisser échapper qu’un petit filet de voix. Il en allait des filles comme des bagages : moins elles prenaient de place, et plus elles seraient faciles à caser.» L’héritier organise-t-il un bal pour choisir celle qu’il épousera ? Trop classique, Flore Vesco, qui a déjà revisité très malicieusement le Joueur de flûte de Hamelin, conte des frères Grimm, dans l’Estrange Malaventure de Mirella (sorti en poche chez le même éditeur, l’Ecole des loisirs), a plus d’un tour dans son sac.
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La future épouse doit passer un test : une nuit au château dans un lit d’une hauteur invraisemblable. «Je me suis fabriqué un tamis à ma mesure, qui me permettra d’éliminer les simples cailloux», dit le lord, assez content de son piège à filles et très pervers sur les bords. Et là, on songe immédiatement à la Princesse au petit pois de Hans Christian Andersen, dans lequel la jeune fille doit dormir sur un lit formé de 20 matelas et de 20 édredons. Les soeurs Watkins, accompagnée de leur femme de chambre Sadima, vont dormir une à une dans la couche cathédrale, sans être adoubées par leur hôte fantasque. Car il n’est évidemment pas question de petit pois, que leur délicate constitution sentirait au travers des couches de literie. L’attention se porte rapidement sur Sadima, autre genre de beauté, normalement illégitime car très roturière.
Cette histoire somme toute très moderne célèbre le féminisme, l’héroïne déclassée, mais aussi les premiers émois sexuels. La recherche d’une épouse et l’épreuve invraisemblable ne sont que le prélude à une histoire fantastique, où l’on repère la pierre philosophale (d’où un morceau du titre), de la sorcellerie un peu gore qui fait cette fois-ci songer à Frankenstein. Flore Vesco aime les vieux contes, et c’est dans ceux-ci qu’elle excelle à concocter de savoureuses soupes à la mode XXIe.
D’or et d’oreillers de Flore Vesco, l’Ecole des loisirs «Médium +», 240 pp., 15 €.
«D’or et d’oreillers», riche lord et alors ? - Libération
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