C’est quoi, ton rapport au foot ?
Je viens d’une ville de rugby, Clermont, et j’ai fait du rugby pendant dix ans. Je m’en foutais un peu du foot, quand j’étais gosse. Moi à l’époque, c’était le rugby, surtout l’ASM, parce qu’on était très chaud, qu’on faisait des finales de Coupe d’Europe, c’était un délire. En devenant ado, j’ai commencé à plus regarder du foot. Je ne regardais pas Clermont parce que c’était de la merde, on était en Ligue 2, par contre pendant mes vacances que je pouvais passer chez mes grands-parents, on avait Canal, donc je regardais pas mal la Premier League. J’ai commencé à regarder une équipe qui s’appelait Arsenal. Mon grand frère, qui a deux ans de plus que moi, était parti en voyage scolaire à Manchester et était revenu avec le maillot de Manchester United. Il était fan de Manchester, et moi, j’ai trouvé cette autre équipe anglaise, et je me suis dit que ça ferait l’équipe rivale. Aujourd’hui, je regarde chacun de leur match, je suis complètement ouf de foot, surtout la Premier League.
Ça a démarré à quelle période, cet amour pour Arsenal ?
Ça a commencé au moment des années Özil, Sánchez… Theo Walcott, Jack Wilshere et compagnie ! J’ai commencé à me renseigner sur l’histoire d’Arsenal, j’ai découvert bien après les Invincibles, Thierry Henry, etc. J’étais comme un ouf. J’ai regardé des matchs entiers, des highlights de Dennis Bergkamp, qui est encore à l’heure actuelle mon joueur préféré, alors que je ne l’ai jamais vu jouer. J’aime bien la Serie A aussi. Je n’ai jamais connu le foot des années 2000, mais j’ai une espèce d’énorme imaginaire autour de ça.
Cette saison, c’est donc la première fois que tu peux croire au titre…
Totalement, je vis le truc à 3000%. J’ai contaminé ma famille, mais mon frère est toujours fan de United, et c’est ce qui est chiant. La Premier League, c’est au-dessus de tout. C’est la cour des Miracles, ce championnat.
Ta passion du foot a pris le pas sur le rugby ?
Clairement, maintenant, je regarde plus de foot que de rugby. J’ai arrêté le rugby au lycée, ça a coïncidé avec le dernier titre de l’ASM, et après, c’est devenu un peu catastrophique. Je regarde de moins en moins, on a changé de président… Moi, ce n’était pas le rugby, c’était l’ASM ! Je ne vais pas regarder des Castres-La Rochelle, je n’en ai rien à cirer. Ma famille est plus rugby : mon cousin a joué au CO, à Castres, dans les sélections jeunes. Aujourd’hui, je regarde l’équipe de France, les 6 Nations évidemment, quelques matchs de l’ASM. Mais c’est trop dur de voir une équipe de héros, qui jouait des finales de Coupe d’Europe, devenir naze. Ce club est mal géré, ça me rend ouf.
Tu as joué à un bon niveau, en rugby ?
J’ai fait la sélection régionale d’Auvergne, quatre ou cinq ans d’affilée. Je jouais numéro 15. Je ne jouais pas à l’ASM, j’étais à l’autre club de Clermont, j’étais fidèle à mon club. Je ne pense pas que j’aurais eu le niveau et la rigueur pour faire quelque chose dans le rugby, et puis de toute façon, c’est ma mère qui m’a fait arrêter, parce que je me blessais trop et qu’elle en avait ras le cul de devoir venir me chercher à l’hôpital. Moi, j’aurais continué à me détruire le crâne, pour les copaings !
Et tu n’as jamais joué au foot ?
J’ai fait un an de foot, à six ans, ça s’était mal passé. J’étais naze, je me faisais martyriser par les grands. Aujourd’hui, j’en fais avec les potes.
J’ai commencé à les regarder en Ligue 2 la saison de la montée, justement. J’ai le maillot, l’écharpe, je regarde quelques matchs par-ci par-là. Ça joue bien, mais ça n’est quand même pas pareil, niveau beauté du jeu, que quand tu regardes un United-Arsenal ou un City-Liverpool. Mais je suis fier de ma ville, on est presque assurés du maintien, là !
Tu es déjà allé à Gabriel-Montpied ?
Je vais y aller pour faire un concert à la mi-temps d’un match. J’avais déjà fait ça avec l’ASM. Mais je n’ai jamais vu un match à Gabriel-Montpied, alors que j’ai vu des dizaines de match au stade Michelin. Le Clermont Foot a recruté en e-sport un champion du monde de FIFA, Maestro, et je vais me faire laminer par lui sur la console. J’ai vu plein de vidéos de ce gars, je vais prendre 15-0, ça va être humiliant.
Vraiment dans l’ombre, alors. Ça n’est pas dans la même catégorie. Peut-être que ça va venir avec les années, maintenant qu’ils sont en Ligue 1. On voit une petite différence déjà, parce que ça coïncide avec le moment où l’ASM est moins bien. Mais la vraie fierté de la ville reste encore le club de rugby. Le Clermont Foot n’a encore jamais rassemblé des dizaines de milliers de personnes sur la place de Jaude devant un écran géant, pour vibrer pendant une finale.
Tu n’as pas trop de souvenirs marquants du Clermont Foot, au contraire de l’ASM.
Avec l’ASM, j’ai des souvenirs d’enfance, des victoires, des défaites, des fois où j’ai pleuré… Je suis très mauvais joueur. J’ai pleuré, détruit des maillots, des drapeaux, lors des finales qu’on a perdues. Treize finales (depuis 2007), et on n’en a gagné que deux… Mais les deux titres qu’on gagne, j’étais là. 2010 et 2017, c’était fou, la ville s’est métamorphosée, c’était n’importe quoi.
Le titre de ton EP, Mauvais joueur, c’est lié à tous ces traumatismes ?
Je suis très mauvais joueur dans tous les cas. Quand on jouait à la PS3, j’ai déjà éclaté des manettes. J’ai éclaté l’écran de mon ordi en jouant à League of Legends. Mon cousin est pareil que moi, on joue à des jeux et on éclate tout. On a des problèmes mentaux.
En tant que supporter d’Arsenal, tu as déjà dû avoir envie de casser ta télé.
Évidemment, c’est le tocarisme Arsenal. On est des tocards ! On a été les cancres du fond de la classe pendant 1000 ans, maintenant on va montrer qui sont les patrons. Quand tu n’es jamais proche d’un titre, ce ne sont pas les mêmes émotions que quand tu supportes l’ASM, qui perd en finale à chaque fois.
Tu as déjà eu l’occasion d’aller à l’Emirates ?
Non, jamais. J’irai si j’ai l’occasion un jour, mais je ne vais pas prendre un billet d’avion ou de train pour Londres uniquement pour aller au stade, ça n’aurait aucun sens. Même si c’est mon rêve ! Si je suis à Londres un jour et qu’il y a un match d’Arsenal, évidemment je ferai tout pour y aller.
Ça n’est pas frustrant de ne pas avoir ce côté local, pouvoir sentir la ferveur autour de ton club, comme c’est le cas avec l’ASM ?
Ça n’est pas la même chose, tu t’identifies moins. L’ASM, c’est vraiment spécial : c’est toi, c’est ton identité. Si on parle mal de l’ASM, on parle mal de moi. Ça n’est pas la même relation avec Arsenal. Mon amour profond pour l’ASM est peut-être encore au-dessus de celui que j’ai pour Arsenal. En attendant, ce sont les matchs d’Arsenal que je regarde tous les week-ends.
C’est quoi, tes meilleurs souvenirs avec Arsenal ?
Bah, il y a eu des titres en Cup. À l’époque, je ne me rendais pas forcément compte de l’importance que ça avait. En 2017, c’était incroyable parce que mes deux clubs avaient remporté un trophée. Et puis il y a eu des matchs pas mal, rien que le dernier contre United, avec le but de (Eddie) Nketiah à la dernière seconde. Ou les buts de Giroud… Giroud, il met des buts de l’espace, après il se barre à Chelsea, ce gros connard !
C’est à cause de ce manque de culture foot à Clermont, que des mecs comme toi se mettent à supporter des équipes avec qui ils n’ont pas de lien local ?
C’est sûr. Quand t’es fan de foot et que tu viens de Clermont, c’est très limité. À un moment, il fallait quand même le vouloir pour regarder des matchs de L2. Il y en a plein qui étaient fans de Saint-Étienne, ou de Lyon parce que c’était les plus proches. On est dans un coin où tu as des supporters de Paris, de Marseille… Mais en ce moment, ils sont en train de construire un truc hyperintéressant avec le Clermont Foot, on va tous devenir supporters de Clermont ! C’est un des clubs les mieux gérés de Ligue 1, avec une vraie politique sportive. Il y a un jeu qui est assez séduisant, quitte à se prendre des 6-0 contre le PSG, ça n’est pas grave. Il y a un petit attachement qui est en train de se créer.
La difficulté d’exister en foot quand on est Clermont, c’est la même chose dans la musique ?
Bien sûr, comme toutes les villes de cette taille. Mais il y a des bons points : tu n’es pas noyé au milieu de plein d’artistes qui ont un projet aussi structuré que le tien, comme ça peut l’être à Paris ou Marseille. Ici, si tu as un projet musical plus ou moins intéressant, tu vas toquer à la SMAC d’à côté, ou à La Coopérative de Mai, tu vas plus être entendu ou pourquoi pas être accompagné, pour faire par exemple le Printemps de Bourges comme j’ai fait. Après, c’est sûr que tout est loin.
Tu imaginais devenir un ambassadeur du Clermont Foot avec ta musique, toi qui n’as aucun lien avec le club à la base ?
Pas du tout, tu m’aurais dit ça il y a cinq ans… Mais ça fait plaisir, c’est la maison. Avec ce stade de bric et de broc, qui n’a qu’une tribune ! C’est presque des échafaudages. Mon stade de cœur restera le stade de rugby, qui est autrement plus chargé d’histoire.
Tu ne parles jamais de foot dans tes textes. C’est ce qui te différencie d’un rappeur, finalement ?
Je ne pense pas que le foot a une place à choper dans mes textes. Ce sont deux choses bien différentes pour moi. On en a bouffé, des comparaisons foot, je pourrais t’en citer des dizaines… Je pense avoir créé quelque chose qui s’éloigne un peu trop de ça. Je joue énormément aux jeux vidéo, World of Warcraft, League of Legends, Warhammer, avec des univers fantastiques, j’adore ça. Par contre, les rappeurs qui font des ref’ aux jeux vidéo, ça me saoule. Quand tu fais ce genre de références, ça marque un truc très rap, je n’ai pas envie d’amener ma direction artistique là-dedans. Les références foot, c’est souvent dans de l’egotrip, et moi je n’en fais pas. Dire que j’ai la frappe de Van Basten, je ne pense pas que ça aille bien avec mes textes où je parle de prendre des cachets et de me tirer une balle !
Dans « HLM en papier », tu parles de « shooter dans un ballon sur un mur pendant trois quarts d’heure ». Quand on est petit, le foot reste le premier truc auquel on joue, même à Clermont ?
C’est le sport le plus simple à jouer du monde, même si tu habites à Clermont ou à Toulouse. Tu as un ballon, tu n’as pas besoin de cage, c’est trop simple. Quand tu es gosse, tu ne joues pas au foot en fait : tu joues à taper dans un ballon. Faire du rugby sans faire un match de rugby, c’est plus compliqué. Tu peux faire des petites passes, mais tu peux moins t’amuser qu’avec un ballon de foot. Je jouais au rugby parfois avec mon frère : on se faisait des passes de 20 mètres, mais on n’était que deux ! Personne ne venait jouer au rugby avec nous.
Dans le teaser de ton EP, tu as un maillot de l’équipe de France et tu mets un gros tacle à un joueur qui porte celui de l’Argentine…
C’est le maillot argentin de la dernière Coupe du monde. Ce qui est drôle, c’est qu’on l’a acheté pour cette vidéo, on voulait le ramener sauf qu’on l’a cradé sur le tacle, donc je l’ai encore chez moi. Je ne sais pas ce que je vais en faire. (Rires.) J’ai pété un plomb devant la finale, j’avais envie de les étrangler, les Argentins. Pour info, j’ai vraiment mis un gros tacle de boucher à mon pote, il avait vraiment mal. C’était très mal exécuté, je tombe par terre, puis je le balaie au niveau de la cheville.
The Doug, ça ferait un bon surnom pour un joueur britannique un peu fou.
Peut-être ! Comment il s’appelait le joueur du Celtic complètement taré, le milieu défensif chauve ? Scott Brown !
The Doug : « Bergkamp est mon joueur préféré alors que je ne l'ai jamais vu jouer » - SO FOOT
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