S’il fallait le refaire, ce serait sans hésiter. Michel Manoury est affirmatif. À la tête du Gaec de la ferme des Manets, avec ses frères, à Semallé, il s’est lancé dans l’aventure de la méthanisation voilà plus de dix ans.
De l’énergie avec du fumier
« À l’époque, les collègues nous regardaient bizarrement », sourit l’exploitant agricole, installé aux portes d’Alençon (Orne).
« J'entendais : bof, une usine à gaz. Mais on est allé au bout de notre idée. Et on ne le regrette pas. »
C’était en mai 2010. À l’époque, l’idée était simple pour la famille Manoury : comment valoriser les déchets de leur ferme bovine ?
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La méthanisation s’est rapidement imposée dans l’esprit des agriculteurs. Il s’agit tout simplement de produire de l’énergie (gaz, électricité ou chaleur) à partir du fumier de l’exploitation.
Des visites
Les premiers pas furent compliqués. « Il n’existait même pas de texte de loi », rappelle l’agriculteur. « Heureusement, on a pu compter sur le soutien du préfet de l’époque, pour qu’on puisse avancer. »
Si certains riaient dans le dos des Manoury, rapidement, ils ont été nombreux à venir voir l’installation et prendre des informations.
« On a vu du monde de partout, pour savoir comment on avait fait, connaître les chiffres de déchets valorisés, d'énergie revendue. »
Dans la foule, aussi, plusieurs exploitants en difficulté qui pouvaient penser que la méthanisation allait renflouer leur ferme, « mais c’est une fausse idée que de penser cela ».
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Un « enjeu économique »
Car pour les Manoury, la méthanisation n’a jamais été vue comme une source de revenus suffisante par elle-même.
« C'est un complément. Notre démarche première était environnementale. C'est ainsi qu'on gère notre ferme. Mais ça peut être un bon complément de revenu en période plus difficile. »
Il avoue même que parfois, « on a pu gagner plus d’argent avec notre fumier que la viande ! » Mais ceci est un autre sujet… Il ne jette donc pas la pierre à celles et ceux qui installent des sites de méthanisation, sans être forcément rattachés à une ferme. « C’est devenu un enjeu économique, tout simplement. »
14 t de fumier par jour
En 2010, la famille avait pensé se rattacher au réseau de gaz de Valframbert, « mais c’était trop cher, on a donc choisi de produire de l’électricité et de l’énergie thermique ».
Les Manoury pourraient aujourd’hui transformer leur site et se tourner vers le gaz.
« Ce n'est pas encore à l'ordre du jour, même si la réflexion a été engagée. On verra au moment où il faudra changer le moteur de la génératrice, par exemple, car cela reste un investissement. »
Le site de méthanisation de la ferme est à l’identique depuis son installation. Avec sa puissance électrique de 150 kW, il satisfait les objectifs des responsables du Gaec.
« On l'alimente avec environ 14 tonnes de fumier par jour. Il traite donc plus de 5 000 tonnes par an. »
Un fumier qui ne disparaît pas pour autant : le digestat (une partie liquide et une autre solide) est ensuite récupéré en étant « amélioré ». C’est devenu un fertilisant de meilleure qualité pour les sols (avec un Azote ammoniacal plus facilement et rapidement absorbable par les plantes après épandage).
11 ans après la mise en route de leur site de méthanisation, les frères Manoury assurent n’avoir rencontré aucune réelle opposition.
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Et continuent d’expliquer aux curieux, à l’occasion de leurs portes ouvertes, comment le fumier de leurs bovins peut produire de l’électricité, chez eux, et du gaz ailleurs. « Et l’étonnement est toujours au rendez-vous… », sourit Michel Manoury.
Sites actuels et à venir
Le site de la ferme des Manets, à Semallé, est un précurseur au pays d’Alençon et et dans l’Orne. « On devait être le 15e projet au niveau national », se souvient Michel Manoury. Il a ouvert la voie à d’autres projets, agricoles ou industriels.
À Gandelain
Près d’Alençon, on peut évoquer celui de Gandelain, au Gaec de Beauséjour. Une unité en voie sèche dont le process est en cours de changement, selon un des gérants. Sans vouloir s’étendre dans la presse sur le sujet, il affirme que cette installation n’a apporté « que du positif » à sa ferme.
À Macé
Depuis un an, l’exploitation de la famille Besnard, à Macé, s’est tournée vers la méthanisation et produit du gaz. Pour alimenter les cuves : de l’herbe, du fumier de chevaux et de bovins. Un investissement motivé par des revenus supplémentaires et la volonté de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires.
À Saint-Paterne
À Saint-Paterne-le-Chevain, un autre site est en activité : celui des frères Monsterleet, de la SCEA (société civile d’exploitation agricole) de Cohon. Tous deux sont installés dans le Nord de la France et possèdent déjà un méthaniseur fournissant de l’électricité sur leur exploitation. Aux portes d’Alençon, leur nouveau méthaniseur a vocation à produire du gaz. Ce site industriel a rencontré une vive opposition, notamment de la Confédération paysanne. Récemment, une demande d’extension a reçu de nombreux avis défavorables d’élus locaux.
Des projets
Plusieurs projets sont dans les cartons. À Lonrai, Nicolas Duboust envisage d’installer trois cuves afin de valoriser les déchets de son exploitation céréalière. Là encore, le projet fait débat et n’a pas encore trouvé un accord ferme et définitif.
À Semallé, la société Fortin-Leroy (basée à Valframbert) souhaite également d’installer une unité de méthanisation agricole sur la zone d’activité La Blardière. Objectif : valoriser 47 tonnes de matière organique agricole et végétale. Joints au téléphone, les gérants n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
Décidément, la méthanisation semble être un sujet compliqué à aborder et les protagonistes préfèrent la discrétion…
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Orne. Méthanisation : retour sur la première unité au pays d'Alençon alors que les projets se multiplient - L'Orne Hebdo
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