Le consensus bien-pensant a beau dire que tout va bien dans notre “douce France”, la réalité des chiffres est bien différente. Après la piètre croissance du deuxième trimestre 2021, puis la baisse des indicateurs avancés Markit et INSEE en août, sans oublier la chute de la consommation des ménages en juillet, c’est au tour du solde commercial de venir mettre les pendules à l’heure. Et pour cause : en juillet, le déficit commercial français s’est de nouveau creusé, pour atteindre 6,957 milliards d’euros sur un mois et 67,89 milliards d’euros sur douze mois.
Si le sommet historique des 69,9 milliards d’euros atteint en avril dernier n’a pas été dépassé, ces résultats confirment néanmoins que le déficit commercial français de l’année 2021 sera vraisemblablement un record absolu. Le dernier sommet remonte effectivement à l’année calendaire 2012, avec un déficit de 67,9 milliards d’euros, contre environ 69 milliards cette année dans le meilleur des cas. Pour les nostalgiques, rappelons que le dernier excédent commercial français remonte à 2003, avec 1,3 milliard. Depuis cet “âge d’or” du commerce extérieur français, le cumul des déficits annuels atteint... 902 milliards d’euros.
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A titre de comparaison, l’Allemagne a dégagé un excédent commercial de 17,9 milliards d’euros en juillet 2021, soit un excédent de 215,6 milliards d’euros sur les douze derniers mois. Sur l’ensemble de l’année calendaire 2021, l’excédent allemand devrait avoisiner les 210 milliards d’euros selon nos estimations. C’est certes moins que les records des années 2016-2017, à près de 250 milliards d’euros, mais 30 milliards de mieux qu’en 2020.
Depuis 2000, en dépit de 2 récessions, de la flambée régulière des prix du pétrole et des matières premières ou encore d’un euro trop fort, le cumul des excédents commerciaux allemands atteint ainsi 3 905 milliards d’euros, contre un déficit de 900 milliards d’euros pour la France sur la même période. A l’évidence, ça fait froid dans le dos ! De quoi rappeler combien la stratégie française d’une “économie sans usine”, développée depuis les années 1980 jusqu’à encore récemment se paie de plus en plus en cher.
Il faut donc être clair : si le déficit extérieur français est aussi élevé depuis des années c’est avant tout parce que nos exportations sont trop faibles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2021, les exportations françaises devraient avoisiner les 470 milliards d’euros, contre environ 1 300 milliards d’euros pour les exportations allemandes, soit un écart de 177 %, alors que l’écart de PIB France-Allemagne n’est “que” de 34 %.
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Bien entendu, certains rappelleront que le commerce extérieur français est meilleur sur les services que sur les marchandises. Mais là aussi, le comparatif fait mal : en 2021, les exportations de biens et services de la France devraient atteindre 700 milliards d’euros, contre quasiment 1 600 milliards d’euros pour celles de l’Allemagne.
Les raisons de ces écarts sont malheureusement structurelles : bonne diversification géographique des exportations allemandes, davantage tournées vers les pays en forte croissance versus exportations françaises trop focalisées sur la zone euro, qui est la lanterne rouge de la croissance mondiale depuis quinze ans. Parallèlement, la spécialisation sectorielle des exportations françaises pèche par la faiblesse des biens d’équipement (seulement 19 % du total, contre 50 % pour les exportations allemandes) et la sous-représentation des produits de haute technologie.
Fort heureusement, les biens agro-alimentaires et les produits de luxe permettent de limiter la casse pour le commerce extérieur de la France. Mais cela reste hautement insuffisant. Plus globalement, ces écarts en matière de commerce extérieur reflètent également les différences de structures économiques entre les deux côtés du Rhin : réduction de la pression fiscale sur les entreprises, amoindrissement des charges qui pèsent sur le coût du travail, flexibilité de l’emploi, assainissement des dépenses publiques, sauvegarde d’une industrie de pointe en Allemagne. Bien loin de ces réussites, la France se distingue par des fondamentaux peu enviables : pression fiscale historiquement élevée et par la même prohibitive pour le dynamisme de l’investissement, marché du travail ultra-rigide, désindustrialisation à outrance.
Bref, au-delà des chiffres, le comparatif calamiteux des performances de la France et de l’Allemagne nous rappelle que tout se paie en économie : la modernisation et la remise en question produisent de la croissance, alors que l’immobilisme détruit de la richesse. Et si cette différence de comportement continue de perdurer, les écarts de solde de balance commerciale entre la France et l’Allemagne ne sont pas près de se réduire.
En outre, le plus dramatique est qu’en matière de commerce extérieur, la France n’est pas seulement à la traîne de l’Allemagne, elle est aussi loin derrière de nombreux pays européens. Elle est effectivement le pays de l’Union européenne qui affiche le plus important déficit extérieur, le second étant la Roumanie, avec un déficit de « seulement » 19 milliards d’euros (chiffres de l’année 2020). Suivent la Grèce et l’Espagne, avec des déficits de respectivement 18 et 16 milliards d’euros. Que dire alors de l’Irlande, des Pays-Bas et de l’Italie qui affichent des excédents commerciaux de respectivement 71, 69 et 64 milliards d’euros ?!
Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI
Son nouveau livre RESET - Quel nouveau monde pour demain ? est en tête des ventes des essais économiques depuis sa sortie le 2 septembre 2020
Retrouvez toutes ses vidéos sur sa chaîne YouTube. Dont la dernière, "Commet sauver nos retraites ?"
“La France est plombée par son déficit commercial, alors que l’Allemagne exporte à tout va !” - Capital.fr
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