Un mois après avoir affiché, avec les autres maires d’arrondissement de droite de la capitale, sa volonté de vacciner l’ensemble du personnel des écoles de son arrondissement, Rachida Dati semble être parvenue à ses fins. Le 28 avril, la maire du VIIe arrondissement a affirmé que tous avaient reçu une première injection. Soit quelques jours avant que le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, annonce que tous les personnels scolaires recevraient une première dose avant les vacances d’été.
Priorité aux enseignants
Dans les 11 écoles élémentaires et maternelles publiques du VIIe arrondissement, tous les enseignants souhaitant être vaccinés l’ont ainsi été, d’après la mairie. Une opération qui a démarré fin mars, juste avant le début des vacances scolaires, et qui a duré environ deux semaines. Les enseignants, mais aussi tout le personnel municipal au contact des enfants, sont devenus pour un temps le nouveau public cible de la municipalité, sans critères d’âge ou de comorbidités. Tous ont reçu des doses Pfizer /BioNTech, puisque le centre de vaccination, situé au gymnase Camou, disposait alors uniquement de ce type de vaccin.
Des rendez-vous douteux
Cette action, a priori, n’a rien d’illégal… à condition de ne pas pénaliser les publics cibles, et de n’utiliser que des doses restantes. Peu après les déclarations de Rachida Dati fin mars, le préfet de police Didier Lallement avait ainsi mis en garde l’opposition parisienne et rappelé que cette opération ne devait pas se faire, via des «prises de rendez-vous spécifiques, au bénéfice de publics qui ne font pas partie, à ce stade, de cibles prioritaires de vaccination». Les préfets, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), sont en effet les garants de l’application de la stratégie vaccinale.
Or le 9 avril, le Monde révèle que la maire du VIIe arrondissement est soupçonnée d’avoir pris des rendez-vous pour le personnel des écoles au détriment des publics prioritaires. L’ARS remarque en effet que le cabinet de Rachida Dati a pris de nombreux rendez-vous de vaccination sur Doctolib, pour des personnes bien plus jeunes que les 70 ans requis alors. Pour la préfecture, c’est donc la preuve que la mairie a organisé des rendez-vous pour le personnel scolaire dans la journée, ce qui est contraire aux règles, puisque cela revient à priver des personnes prioritaires.
Selon Elisabeth Kutas, représentante du syndicat des enseignants SNUipp-FSU 75, des créneaux avaient en effet été réservés pour les enseignants en pleine journée. «Dans le VIIe, la mairie a envoyé des mails aux écoles pour les prévenir qu’ils avaient des doses et qu’ils avaient réservé des créneaux hors du temps scolaire, vers 16 heures par exemple. Ce n’était pas simplement des doses restantes en fin de journée, ils les avaient déjà réservées. Ils n’avaient peut-être pas le droit, mais en même temps c’est inadmissible que notre employeur n’assure pas notre protection et se repose sur les mairies.»
Résultat : près de 150 rendez-vous de vaccination sont annulés par l’ARS. Et l’équipe de Rachida Dati se retrouve privée de son droit d’administrateur sur Doctolib pour le centre de vaccination du VIIe arrondissement. La maire LR dénonce alors un «abus de pouvoir» et des décisions «arbitraires et injustifiées», ajoutant qu’elle «ne viole aucune règle et aucune loi en vaccinant de manière plus large».
Pour tous les rendez-vous pris par le cabinet de l’élue, la case «comorbidités» avait en effet été cochée. Officiellement, ils étaient donc destinés à des personnes prioritaires. Ce qui n’empêche pas l’ARS de s’interroger face à tant de personnes prioritaires prenant leur rendez-vous par l’intermédiaire de la mairie.
Rachida Dati a d’ailleurs continué à mener son opération après l’intervention de l’ARS, «dans le respect des règles de priorité», en soutenant cette fois-ci que seules étaient utilisées «les doses non affectées à chaque fin de journée». Les maires d’arrondissements restant libres d’attribuer les doses non utilisées.
L’opération est même «facile à organiser», selon la municipalité. «Tout dépendait des doses restantes : dès qu’il y en avait, on appelait les directeurs d’écoles, qui avaient la liste des gens qui voulaient être vaccinés et ils venaient après le temps scolaire», explique Emmanuelle Dauvergne, conseillère de Paris en charge des affaires scolaires dans le VIIe. D’après elle, la grande majorité des enseignants étaient volontaires pour la vaccination. Pareil chez les autres membres du personnel scolaire, même si elle admet une proportion un peu moindre.
Côté syndical, le SNUipp Paris juge l’initiative encourageante, mais regrette le manque de stratégie globale. «Ce n’est pas juste que ce ne soit pas partout pareil, c’est inégalitaire, mais tant mieux pour les enseignants du 7e, estime Elisabeth Kutas. Avec seulement 11 écoles, c’est un coup politique qui ne lui coûte pas cher !»
Une campagne de vaccination aux allures de bataille politique
Cette campagne de vaccination avait également pris un tournant politique, la majorité d’Anne Hidalgo déclarant, début avril, que la maire de Paris avait déjà demandé au gouvernement d’ouvrir la vaccination aux enseignants depuis le mois de janvier. La maire de Paris avait alors exigé de Rachida Dati qu’elle reste «dans le cadre légal», affirmant qu’elle n’avait pas le droit de prendre une telle initiative. La maire du VIIe arrondissement avait contre-attaqué, dénonçant un manque d’organisation et l’absence d’une véritable stratégie de la part de la mairie centrale. Et de demander «aux services de l’Etat et au préfet de police de ne plus céder à la pression et aux menaces de Mme Hidalgo».
Comment Rachida Dati a-t-elle pu faire vacciner tous les enseignants du VIIe arrondissement, alors non-prioritaires ? - Libération
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