Manifestation contre la réforme des retraites à Marseille.
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
Crise économique ?
Sale temps pour les patrons d’entreprises qui en prennent plein la tête dans les manifestations et même sur les plateaux télé. Alors que l’économie, l’emploi, l’investissement et la croissance se tiennent plutôt bien.
Il faut croire que les chefs d’entreprise sont devenus les boucs émissaires de toutes nos difficultés. Ils se font traiter de braqueurs, y compris sur certains plateaux de télévision au moment où la Banque de France publie sa dernière note de conjoncture plutôt optimiste pour l’économie française en 2023. La Banque de France rejoint la tonalité qui ressort de la plupart des travaux des autres institutions privées ou publiques.
Que l’état de la France soit désolant, c’est un fait difficilement contestable : la gouvernance est très maladroite, parfois même humiliante, l’administration est mal gérée au regard du coût de son fonctionnement. L’Education nationale, le système de santé, la justice, le modèle social ne fonctionnent pas comme il devrait.
Le résultat des courses est que la France bat un record en Europe sur les prélèvements obligatoires et un endettement qui va devenir insupportable, dès lors que les taux d’intérêt remontent.
Et les Français sont en colère parce que la majorité est touchée de plein fouet par la hausse de prix de consommation. En bref, rien ne va plus.
Et c’est la faute à qui ? Au gouvernement, au président de la République mais aussi la faute aux chefs d’entreprises traités de braqueurs.
Or, si les chefs d’entreprise étaient des braqueurs, l’économie française se porterait beaucoup plus mal qu’elle ne se porte. Les « tontons flingueurs » n’ont toujours enrichi qu’eux-mêmes, à condition de ne pas se faire prendre.
Dans ce climat socialement délétère, la Banque de France vient de doubler sa prévision de croissance pour 2023 et confirme ce qui se murmure dans les coulisses des conseils d’administration, à savoir que l’hydre de l’inflation qui était en train de détruire le socle de la société française, en s’attaquant principalement aux biens de consommation courante et aux énergies, cette menace-là est en recul.
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La Banque de France abaisse sa prévision de hausse des prix pour 2023, parce que les prix des matières premières et de l’énergie ont commencé à refluer. Donc l’inflation sera moins forte et ce mouvement sera perceptible dès le mois de juin… La Banque de France rejoint les prédictions de l’OCDE ou des institutions européennes. Théoriquement, ce reflux de l’inflation va entraîner un arrêt des hausses de taux d’intérêt au mois de septembre.
Ce qui est important dans cette prévision partagée un peu dans toute l’Europe, c’est que l’inflation violente introduite dans le système de production par l’excessive reprise de l’après Covid (excès de la demande de rattrapage sur l’offre de production) mais aussi par les blocages imputables à la guerre en Ukraine, n’a pas entraîné une spirale inflationniste et une course poursuite entre les prix et les salaires. Le pouvoir d’achat a augmenté en 2022, mais pas davantage que la productivité ou le partage de la valeur créée.
En résumant l'état de la situation, on se retrouve avec un niveau d’investissement soutenu en provenance des acteurs de production, un niveau de l’emploi très tendu à tel point que certains secteurs sont obligés de restreindre leurs projets, faute de trouver la main d’œuvre dont ils auraient besoin, et des marchés à l’exportation qui redémarrent. Les points les plus sombres sont liés au montant de l'épargne de précaution qui traduit l’inquiétude générale, au manque de main d’œuvre spécialisée, aux inégalités sociales qui se sont accrues, au montant des prélèvements obligatoires et surtout au déficit de productivité de l’administration. Mais là, on touche au modèle structurel que la France a tellement de difficultés à réformer. Mais ça n’est pas nouveau.
Alors les chefs d’entreprise dans tout cela ? Force est de reconnaître qu’ils font le job. Dans l’agro-alimentaire, dans l’automobile, dans l’énergie, l’aéronautique, le tourisme, l’industrie du luxe, les banques et les assurances, la France possède beaucoup de champions du monde et heureusement. De là à traiter de braqueurs, donc de voyous, les chefs d’entreprises qui réussissent, il y a évidemment un abus de langage limite injurieux, il y a aussi la preuve d’une inculture coupable, ou pire, la volonté d’alimenter la colère sociale en oubliant volontairement qu’elle est aussi alimentée par des intérêts populistes, protectionnistes et par conséquent réactionnaires.
Les chefs d’entreprises ont des états d’âme évidemment, mais ils les laissent rangées dans leurs sphères privées. Les chefs d’entreprise ont pour métier de s’adapter aux crises et aux changements. Et d’assumer les mutations. Et si les chefs d’entreprise gagnent de l’argent, c’est tant mieux pour la collectivité. Plus de la moitié des profits dégagés vont dans les caisses de l’État. L’autre moitié ne va pas dans des collections de voitures de luxe ou de villas somptueuses, ni même dans des coffres ou sous les matelas de plumes d’oie. L’autre moitié retourne dans l’économie sous forme d’investissements de progrès.
Alors, si des Français en colère les traitent de braqueurs, c’est sans doute pour se défouler. Et s’ils le font très librement, c’est parce que les réseaux sociaux s’en mêlent et ce type de qualificatif est légitimé par les plateaux de chaînes d’info en continu. Parce que c’est plus facile de désigner les patrons à la vindicte populaire que de décrypter les mécanismes de créations de richesses.
Dans une logique de marché, les chaînes d’info n’ont pas tort : le commerce de la peur ou l’invective des plus riches fabriquent de l’audience, mais ils ne participent guère à l’amélioration du système pour tous.
Arnault, Pinault, Bolloré… les patrons traités de braqueurs alors que l'économie tient debout… - Atlantico
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