Alors que la grippe aviaire fait l'objet de toutes les surveillances en Bresse et dans les quatre départements bourguignons, le docteur Alexandre Dimberton, président et référent aviaire du groupement technique vétérinaire de Bourgogne-Franche-Comté, répond aux questions de France 3 Bourgogne.
C'est une épée de Damoclès qui pèse sur les éleveurs de volailles : la grippe aviaire, plus précisément l'influenza aviaire, virus hautement pathogène, sévit dans de nombreuses régions, y compris en Bourgogne. Des cas sont signalés en Saône-et-Loire, en Côte-d'Or, en Haute-Saône, dans l'Yonne et le Jura. Les préfectures prennent des mesures de précaution, nécessitant notamment le confinement des volailles et des règles d'hygiène drastiques dans les élevages.
Pourtant, le virus n'est pas dangereux pour l'homme, comme le rappelle le gouvernement : "La consommation de viande, de foie gras et d'œufs – et plus généralement de tout produit alimentaire à base de volaille – ne présente aucun risque pour l’Homme." Alors pourquoi tant d'inquiétudes autour de cette maladie ? Pour le savoir, nous avons contacté Alexandre Dimberton. Vétérinaire en Bresse, terre d'élevage avicole, il est aussi le président du GTV (groupement technique vétérinaire) de Bourgogne-Franche-Comté et son référent technique aviaire. Entretien.
Alexandre Dimberton : "Déjà, il faut savoir de quoi on parle : il s'agit de l'influenza aviaire hautement pathogène, de type H5N1. Il existe des sources faiblement pathogènes, dont on se préoccupe très peu. La souche hautement pathogène se transmet d'oiseau à oiseau et cause une grosse mortalité chez les animaux d'élevage.
Il y a quelques années, l'influenza aviaire survenait surtout lors des phases migratoires des oiseaux sauvages, mais plutôt tous les cinq ans dans sa forme hautement pathogène. Donc, si on peut dire, ça allait. Là, depuis trois hivers d'affilée, on a malheureusement constaté que le virus devient constant dans la faune sauvage, on le détecte par exemple sur des canards non-migrateurs.
"On est en train de passer d'une maladie saisonnière à une maladie fréquente, endémique."
Alexandre Dimberton
Avant, les oiseaux migrateurs porteurs du H5N1 le transmettaient, les oiseaux contaminés dans la nature mouraient et ça s'arrêtait là. Désormais, on a des doutes sur le fait qu'il existe des oiseaux "porteurs sains" qui continuent de transmettre et de répandre le virus."
Alexandre Dimberton : "Entre oiseaux, le virus se transmet par deux voies : la voie aérienne, donc les expectorations et les fientes. Dans la promiscuité des élevages, le virus se transmet très facilement. Dans la nature, les oiseaux peuvent se contaminer autour d'un étang, par exemple, en marchant et en se nourrissant autour des fientes des animaux contaminés.
D'ailleurs, l'un des premiers élevages contaminés dans l'Ain l'a été... par le biais de journalistes ! Ils sont allés sur un étang où l'on avait trouvé des oiseaux sauvages morts, ils ont marché dans leurs fientes contaminées, puis sont allés voir un éleveur de volailles et l'on a établi que la contamination s'était faite par ce biais-là."
Alexandre Dimberton : "Ce sont des symptômes nerveux, avec des troubles de la locomotion. Les oiseaux peuvent se retrouver avec la tête renversée, par exemple. Et il y a une congestion généralisée avec une grosse hyperthermie (température corporelle plus élevée que la normale).
Les gallus, c'est-à-dire les poulets, sont un peu moins sensibles au virus que les canards."
Alexandre Dimberton : "Elle peut passer chez l'Homme, mais uniquement via un contact avec les animaux malades. Pas par la viande, les œufs, etc. Par ailleurs, cela fait des années qu'on n'a pas enregistré de contagion humaine, pas depuis les cas qui avaient été signalés en Asie dans les années 2000."
"Il existe un risque de zoonose (transmission d'animal à homme), mais il est très limité."
Alexandre Dimberton
Alexandre Dimberton : "Le problème, c'est d'une part le transport. Si on transporte des animaux vivants et porteurs du virus jusqu'à l'abattoir, puisqu'on ne peut pas les abattre sur place pour la consommation, ils vont essaimer le virus. Lorsque la décision est prise d'abattre un cheptel, les bêtes sont euthanasiées sur place puis transportées dans des bacs étanches.
"En outre, on ne fait jamais consommer d'animaux malades en France, qu'il s'agisse de volaille, de porc, de bœuf..."
Alexandre Dimberton
"Quand l'animal est en hyperthermie, la viande devient suintante et se conserve beaucoup moins longtemps. Par principe donc, tous les animaux malades sont déclarés impropres à la consommation."
Alexandre Dimberton : "Il y a effectivement un vaccin expérimenté en 2022, mais il ne protège que contre la souche H5N2 et n'est autorisé que chez les gallus, et pas chez les canards. Le vaccin qui protège contre H5N1 doit voir ses premiers résultats publiés au premier semestre de cette année, et un avis scientifique doit être rendu à l'automne 2023. Ensuite, c'est une décision politique à prendre. Ce n'est pas sûr que les pays importateurs de volaille française acceptent des viandes d'oiseaux qui auront reçu ce vaccin."
ENTRETIEN. Pourquoi la grippe aviaire inquiète-t-elle autant, alors qu'elle n'est pas dangereuse pour l'Homme - France 3 Régions
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