La patience des pêcheurs français a atteint ses limites, a répété jeudi 9 décembre la ministre française de la Mer Annick Girardin au Sénat. La question de la pêche empoisonne depuis des mois les relations entre la France et le Royaume-Uni.
Et le conflit ne devrait pas trouver d’issue cette semaine, malgré la date butoir fixée par la Commission européenne ce vendredi 10 décembre 2021. Un calendrier que ne reconnaît pas le Royaume-Uni.
En face, la France fait pression et attend des actes, sous peine de prendre des sanctions contre le Royaume-Uni. À quelques heures d’une échéance qui pourrait durcir encore le bras de fer entre Paris et Londres, on vous résume la situation.
Pourquoi la France menace-t-elle de prendre des sanctions ?
La France a déjà obtenu plus de 1 000 licences de pêche pour ses bateaux. Selon Clément Beaune, interrogé sur franceinfo ce vendredi, il en manque encore « une centaine ».
La ministre de la Mer, Annick Girardin, a parlé, jeudi, de 94 licences encore réclamées par Paris. « Ce n’est pas anecdotique, c’est capital : ce sont des pêcheurs, des familles. Un emploi en mer, c’est quatre emplois à terre », a déclaré Annick Girardin.
Toutefois, les Français laissent la porte entrouverte. « On va travailler encore aujourd’hui, a indiqué Clément Beaune. Il n’y aura pas, je le dis très clairement, toutes les licences auxquelles nous tenons d’ici à ce soir. […] Si les Britanniques aujourd’hui disent «on donne quelques dizaines de licences supplémentaires», comme geste de bonne volonté, pour montrer que le dialogue porte ses fruits et qu’on a intérêt à le continuer encore, nous en tiendrons compte, nous ferons l’évaluation avec la Commission européenne et peut-être nous continuerons» à dialoguer.
De quelles sanctions le Royaume-Uni est-il menacé ?
La France demandera ce week-end à la Commission européenne d’ouvrir une procédure en contentieux si le Royaume-Uni ne manifeste pas d’ici à la fin de la journée l’intention de régler la question des licences de pêche réclamées par la France, a déclaré Clément Beaune.
Annick Girardin avait évoqué la convocation de la réunion du conseil de partenariat, censé garantir l’application de l’accord post-Brexit. « C’est là aussi que peuvent se décider des sanctions », a-t-elle précisé, ajoutant : « C’est la Commission qui portera le contentieux et les mesures de rétorsion si elles devaient être mises en application ».
Pourquoi le Royaume-Uni refuse de reconnaître le calendrier européen ?
Le Royaume-Uni a refusé de reconnaître la deadline du 10 décembre fixée par la Commission européenne à la demande de la France. « Nous n’avons jamais fixé de date butoir », a déclaré jeudi soir le porte-parole du Premier ministre britannique Boris Johnson, « ils en ont fixé une, mais ce n’est pas celle sur laquelle nous travaillons ».
Commentaire du président français Emmanuel Macron, quelques minutes plus tard, sur l’ensemble des sujets de désaccord avec Londres (pêche, migrants, défense) : « J’ai terriblement envie d’avoir un gouvernement qui souhaite travailler simplement de bonne foi avec nous », a-t-il dit en conférence de presse.
Plus tôt dans la journée, la ministre française de la Mer avait prévenu que si toutes les licences de pêche encore réclamées n’étaient pas accordées d’ici à vendredi soir, la France demanderait un arbitrage au niveau européen et irait « au contentieux ».
Où en sont les discussions ?
Onze mois après l’accord de commerce post-Brexit et alors que des négociations marathon se poursuivent, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les poissonneuses eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
C’est dans la zone des 6-12 milles britanniques que manquent désormais le plus grand nombre de licences françaises. Les discussions sont aussi tendues avec Jersey, qui accorde ses licences au compte-gouttes, ce qui « entretient la tension », selon Annick Girardin.
Paris attend encore 51 licences définitives du gouvernement de Saint-Hélier, dont en priorité celles demandées pour la dizaine de pêcheurs classés en « liste rouge », qui n’ont plus aucun accès aux eaux de Jersey alors que leur activité en dépend très largement.
Dans ce dossier de la pêche, le ton est déjà monté, frôlant la confrontation à plusieurs reprises : un blocus de Jersey par les pêcheurs français en mai, qui avait entraîné l’envoi de deux patrouilleurs britanniques ; une inflation des menaces françaises de sanctions en octobre ; et plus récemment, le blocage par les pêcheurs français de ports et du terminal fret du tunnel sous la Manche, par lequel transitent 25 % des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe.
Au-delà de la question des licences, celle des modalités de pêche et des quotas s’annonce aussi très dure. Les pêcheurs français, qui sont prêts à de nouvelles actions, seront particulièrement attentifs à la réunion des ministres européens de l’Agriculture et de la pêche, qui doivent négocier dimanche et lundi à Bruxelles des quotas de pêches pour 2022.
Licences de pêche post-Brexit : où en est-on alors que les négociations doivent s’achever ce soir ? - Ouest-France
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