Le plan de relance, lancé officiellement le 3 septembre 2020, prévoit plus de 30 milliards d’euros consacrés à l’écologie, dont la rénovation thermique (6,7 milliards), l’infrastructure et les mobilités vertes (8,2 milliards), la lutte contre l’artificialisation des sols (1,2 milliard), la transition agricole (1,2 milliard) ou l’économie circulaire (500 millions). Dans chacune de ces thématiques, les collectivités sont impliquées. Elles devraient par exemple recevoir 300 millions pour la rénovation thermique des lycées. Près de 1,2 milliard est fléché vers les déplacements du quotidien : 250 millions pour le déploiement du vélo, 900 millions pour les transports en commun, dont 700 aux régions, et la moitié à la seule Ile-de-France.
Mais si l’argent semble couler à flot, « on a l’impression, à l’heure actuelle, d’être en stand-by », s’agace Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg qui tient son programme d’investissement de transition écologique prêt à être financé. Alors, en attendant les subsides, il faut parfois jouer la débrouille et trouver des financements alternatifs.
Financements alternatifs
Parmi les solutions possibles, figure le dispositif « intracting » qui jusqu’à présent, ne faisait pas beaucoup d’émules. L’idée est pourtant simple : les collectivités qui se lancent dans des investissements de rénovation énergétique rebasculent les économies d’énergie réalisées dans un fonds leur permettant de financer leurs nouveaux travaux. Lille, Albertville et Paris s’y sont engagées. La Banque des territoires a voulu booster le dispositif avec des avances remboursables pour les travaux de petite rénovation. Trois collectivités ont signé une convention.
« Alors que nous avions budgété 500 millions d’euros afin de soutenir les collectivités dans leurs projets d’investissements, 50 millions d’euros étaient consommés fin 2020, décrit le responsable du pôle “efficacité énergétique” de la direction de l’investissement à La Banque des territoires, Hubert Briand. Avec une marge des avances remboursables passant de 2 à 0,2 %, une dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) conséquente, une enveloppe de 110 millions d’euros d’ingénierie et un prêt “relance verte” longue durée Livret A dont l’index est passé à 0,60 %, le dispositif devrait démarrer. »
Car, du côté des prêts, les banquiers sont au diapason avec la transition écologique et en proposent certains estampillés « verts ».
Si, en majorité, le niveau d’exigence en la matière demeure faible, les critères extrafinanciers pourraient, à terme, prendre une place plus importante dans l’éligibilité des projets. Ainsi, le prêt à impact d’Arkéa impose aux collectivités, chaque année, et durant cinq ans, une notation extrafinancière sur la base d’une trentaine de critères avec, en contrepartie, pour les bons élèves, une baisse régulière du taux. L’emprunt devient un outil d’évaluation au service d’une politique locale. « Toutefois, cette évolution des offres de prêts ne doit pas occulter le premier signal de l’investisseur : sa capacité d’autofinancement, qui est aujourd’hui fragilisée », estime Alexis Maréchal, directeur de mission du cabinet Orféor.
Jusqu’au tournis
Dans le cadre du plan de relance, la DSIL est modulée en fonction de la situation financière des collectivités demandeuses et, désormais, liée à des critères environnementaux, elle prend aussi une jolie couleur verte. Avec les appels à projets du plan de relance, ceux de l’Agence de la transition écologique (Ademe), des régions, de l’Europe ou encore des intercommunalités, les communes constatent une dispersion des aides jusqu’à en avoir le tournis. Pour l’Association des petites villes de France (APVF), ce sont ceux qui ont le moins besoin des financements qui en bénéficient, et la mise en place d’un guichet unique serait essentielle.
« Avec les contrats de transition écologique (CTE) et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), la contractualisation facilite le regroupement des financements autour des projets », indique la conseillère « environnement » de l’Assemblée des communautés de France, Oriane Cebile. Avec le plan de relance qui impose d’agir vite, un dispositif assoupli de l’instruction des aides de l’Ademe devrait être adapté aux collectivités.
Un bon deal
Courbevoie (83 100 hab., Hauts-de-Seine) a signé en 2020 un contrat de performance énergétique de sept ans avec Dalkia. La filiale d’EDF assurera la rénovation énergétique, l’exploitation et la maintenance des 135 bâtiments de la ville. Lorsque les gains d’énergie correspondent, voire sont supérieurs, aux projections contractuelles, la rémunération est partagée entre la ville et l’opérateur privé. Sinon, Dalkia paye une pénalité. L’ambition est de réaliser jusqu’à 27 % d’économies d’énergies sur l’électricité et d’économiser 2 700 tonnes de CO2.
Outils confidentiels
En investissant dans les fonds propres des sociétés de production d’énergies renouvelables (ENR), les collectivités trouvent auprès d’elles d’autres soutiens financiers, ceux des investisseurs privés et des citoyens, qui, avec la montée en puissance du financement participatif, montrent leur appétence pour l’environnement.
Les bénéfices réinjectés participent au financement de nouveaux projets. « Si les projets “ENR électrique et gaz” fonctionnent bien, donnant des retours sur investissements satisfaisants, les bénéfices sur les projets “ENR thermique” (biomasse, solaire, géothermie…) demeurent tributaires des variations du prix du gaz. Même si le fonds chaleur qui les subventionne est important, le réseau peut connaître des turbulences », tempère Guillaume Perrin, chef adjoint du département « énergie » de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
Enfin, les collectivités ont recours à des outils financiers plus confidentiels, comme le contrat de performance énergétique. « Le CPE que nous venons de signer nous permet d’obtenir la sobriété énergétique et financière », assure Stéphanie Soares, conseillère municipale chargée de la transition énergétique à La Courneuve (43 900 hab., Seine-Saint-Denis). Il reste aux collectivités à s’approprier les certificats d’économie d’énergie ou le marché carbone. « Ce dernier ne concerne que les territoires les plus avancés, ceux qui visent la neutralité carbone », rappelle Valérie Potier, directrice de projets « planification énergie-climat » du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Les collectivités, qui doivent porter une grande part des engagements de la France dans l’accord de Paris, sont assignées à la performance en matière de transition écologique. Reste à savoir si elles trouveront les moyens d’augmenter leurs efforts en matière d’investissement.
« Les prêts verts répondent à l’appétence des marchés »
Alexis Maréchal, directeur de mission du cabinet Orféor
« S’il y a une volonté politique affichée de verdir les prêts, du côté des services des finances, l’argent n’a pas de couleur et l’objectif demeure l’optimisation des financements. Les prêts verts mis en place par les banques répondent à l’appétence des investisseurs qui, sur le marché, sont fortement en quête de projets environnementaux. Si, à ce jour, les prêts ne proposent pas des taux plus bas, à terme, la demande du marché financier pourrait avoir des effets positifs sur les offres bancaires. Les collectivités doivent avoir une démarche d’opportunité sur la dette comparable à celle qu’elles ont pour les subventions. Leur approche doit définitivement être axée sur les projets. Cela signifie un partenariat avec les services techniques, resserré en cas de prêts bonifiés qui s’accompagnent d’exigences environnementales. Le verdissement des prêts est une occasion de participer à la démarche globale de la collectivité. »
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Financements verts : alors que l'argent coule à flots, la pression monte - Gazette des communes
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