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Thursday, March 25, 2021

«Alors, c'est un confinement ou pas ?» : comment ce mot a perdu de son sens au fil des mois - Le Parisien

Olivier Véran, dimanche, dans Le Parisien : « Je me refuse à parler de confinement tout simplement parce que ce n’en est pas un ! ». Gabriel Attal, le même jour, sur BFMTV : « Ce n’est pas un confinement, ce n’est pas la logique des mesures de freinage qui ont été annoncées. » Pourtant, n’est-ce pas le Premier ministre Jean Castex qui, 72 heures plus tôt, annonçait de nouvelles « mesures de confinement » dans seize départements confrontés à une forte poussée de l’épidémie de Covid-19 ?

Leurs habitants ont pu s’en rendre compte à partir du week-end : mis à part la fermeture des commerces ne vendant pas de produits de première nécessité et l’interdiction, sauf motif impérieux, de se déplacer sur une longue distance, peu de choses ont changé dans leur quotidien. Et si le terme « confinement » était devenu galvaudé, un an après les deux premiers mois de mise sous cloche du pays ?

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Repartons de la définition accolée à ce mot, qui renvoie au verbe « confiner ». Le Robert le définit comme le fait de « forcer à rester dans un espace limité ». Se confiner, c’est « s’enfermer, être enfermé dans un lieu », ajoute Le Larousse. « Du point de vue linguistique, confiner, c’est maintenir dans un espace clos. Au premier confinement, les règles étaient claires : tout le monde devait rester chez soi », note la sémiologique Virginie Spies.

« Comme on parque des poulets en batterie »

De ce point de vue, rien à voir avec la situation depuis ce week-end dans les seize départements dont il est question, puisque le gouvernement encourage même à sortir prendre l’air. « À l’origine, confiner revient à parquer des personnes à un endroit comme on parque des poulets en batterie. Mais je pense que cela regroupe aussi, dans le cas présent, le fait de prendre un ensemble de mesures visant, par une réduction drastique des contacts sociaux, à ralentir la propagation d’une épidémie », indique le linguiste Michel Francard professeur émérite à l’université de Louvain. « Confiner, c’est aussi briser un lien qui se manifeste par la culture, les restaurants, les commerces... Les gens ont perdu une part importante de relations sociales », ajoute-t-il. On entend d’ailleurs parler parfois de « culture confinée », pour signifier que les cinémas, théâtres et autres concerts sont totalement suspendus depuis fin octobre.

« Confinement est un mot-valise car il n’y a pas de définition officielle et standardisée. Dans l’imaginaire collectif, au départ, c’est le fait de vouloir limiter les sorties. Mais il peut aussi y avoir un confinement de la vie socioculturelle », renchérit la médecin Alice Desbiolles, spécialiste en santé publique. Ainsi, les seize départements seraient potentiellement un peu plus « confinés » que les autres, au sens où la vie sociale y est encore plus réduite avec la fermeture de certains commerces.

Quant au couvre-feu, en vigueur de 19 heures à 6 heures du matin sur tout le territoire, il peut s’apparenter à une sorte de « confinement nocturne ». Contrairement au reste de la journée, il n’est pas possible de sortir pour faire un peu de sport ou simplement prendre l’air. Certains avaient même imaginé qu’Emmanuel Macron utilise cette expression au moment d’imposer pour la première fois un couvre-feu, en octobre dernier.

Stratégie de communication

L’usage du mot « confinement » est d’autant plus varié lorsqu’on l’accole à différents pays... aux situations très diverses. « L’Allemagne applique un confinement strict depuis trois mois », disait jeudi dernier le Premier ministre, approuvé ensuite par le porte-parole du gouvernement. Cette expression a ulcéré plusieurs correspondants de journaux français en Allemagne, qui ont notamment rappelé l’absence de limitation de durée et de distance pour sortir de son domicile de l’autre côté du Rhin. « Ça devient un vrai problème de vocabulaire. Ce qu’on entend derrière lockdown [confinement en anglais, NDLR] est très différent selon les pays », se lamentait lundi la correspondante d’un grand média britannique. En Espagne, il n’y a pas eu de véritable « confinement » décidé au niveau national. Mais de nombreuses régions ont imposé des mesures impactant fortement la vie sociale.

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Parler de « confinement » peut aussi simplement s’inscrire dans le cadre d’une stratégie de communication politique. Sans forcément appliquer les mêmes règles qu’au printemps dernier, dire que l’on « confine » un territoire peut inciter la population à davantage respecter les règles en vigueur. Une sorte d’ « effet peur », dont le gouvernement se défend. « Cela peut être un choix de communication visant à montrer sa volonté de ne pas passer pour un laxiste », avance Alice Desbiolles.

Castex, l’ancien « Monsieur déconfinement »

À plusieurs reprises ces derniers mois, Santé publique France a aussi noté que les habitants de territoires relativement préservés pouvaient réagir en fonction des nouvelles mesures décidées chez le voisin. « La norme sociale, à savoir ce que les autres font, est un levier très important. On est tous ensemble dans la lutte contre le Covid-19 et on a envie de s’aligner sur le comportement des autres », nous indiquait récemment Nicolas Baumard, chercheur au CNRS et spécialiste en sciences du comportement. Chacun reste d’ailleurs évidemment libre de « s’auto-confiner » s’il le souhaite, c’est-à-dire de rester souvent à son domicile ou de limiter fortement ses contacts sociaux.

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Et qui dit confinement dit aussi... déconfinement. Ce terme ne figure dans aucun dictionnaire pour le moment, comme l’a récemment souligné Michel Francard dans sa chronique parue dans Le Soir. « En Belgique, on parle plutôt d’assouplissement des mesures », ajoute celui qui se réjouit d’une « belle réactivité linguistique ». Jean Castex, surnommé « Monsieur déconfinement » du précédent gouvernement avant sa nomination à Matignon en juillet dernier, ne le démentira pas.

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