Les Philippines et les Etats-Unis ont commencé mardi leurs plus importants exercices militaires conjoints jamais conduits dans le pays d’Asie du Sud-Est. Quelque 18 000 soldats prendront part aux exercices, qui comprendront pour la première fois des tirs à balles réelles dans la mer de Chine méridionale que Pékin revendique presque entièrement.
L’un des exercices prévoit l’atterrissage d’hélicoptères militaires sur une île philippine au large de l’extrémité nord de l’île principale de Luzon, à environ 300 km de Taïwan.
Le lancement des manœuvres annuelles Balikatan, mot qui signifie «côte à côte» en philippin, survient après une opération militaire de trois jours achevée lundi par Pékin, qui a simulé des frappes ciblées et un encerclement de l’île autonome et démocratique de Taïwan, que la Chine considère comme une partie de son territoire (lire plus bas).
Les Philippines veulent se rapprocher des Etats-Unis
Pour la première fois, ces exercices annuels ont lieu sous le mandat du président philippin Ferdinand Marcos Jr, qui cherche à améliorer les relations avec Washington, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte.
«Par cet exercice, les forces philippines et américaines renforceront notre interopérabilité, accroîtront nos compétences et compléteront nos capacités grâce à la collaboration, ce qui nous permettra d’être prêts à relever ensemble les défis du monde», a souligné le général de la première unité aérienne des Marines américains, Eric Austin, lors de la cérémonie d’ouverture mardi à Manille. Les ministres philippins de la Défense et des Affaires étrangères doivent ensuite rencontrer leurs homologues américains à Washington.
Le double de mobilisés que l’année passée
Quelque 12 200 soldats américains, 5400 soldats philippins et un peu plus de 100 soldats australiens ont été mobilisés pour participer aux exercices, soit deux fois plus que l’année dernière. Ils dureront deux semaines.
Les Américains utiliseront notamment leurs missiles Patriot dans le cadre de ces exercices, considérés comme l’un des meilleurs systèmes de défense aérienne au monde. Les exercices permettront d’améliorer «les tactiques, les techniques et les procédures» concernant un large panel d’opérations militaires, a déclaré le colonel Medel Aguilar, porte-parole de l’armée philippine.
Début avril, les Philippines ont mis à disposition des Etats-Unis quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan, s’attirant les foudres de Pékin.
Taïwan détecte des bateaux et avions chinois
Pendant ce temps, autour de Taïwan, la présence chinoise demeure, un jour après la fin annoncée des manœuvres. Les autorités de Taipei indiquent ce mardi que des navires de guerre et des aéronefs chinois se trouvent toujours autour de Taïwan.
La Chine a mobilisé «des aéronefs militaires ce matin et a traversé la ligne médiane depuis le nord, le centre et le sud», a rapporté le ministère taïwanais de la Défense, en référence à la frontière officieuse qui sépare la Chine continentale de Taïwan.
Neuf navires et 26 avions
Le ministère a dit avoir dénombré neuf navires de guerre chinois et 26 aéronefs autour de l’île. Les navires ont été détectés vers 11h locales (5h en Europe de l’ouest), a-t-il ajouté.
Pékin avait lancé samedi des exercices militaires autour de Taïwan pour une durée de trois jours, lors desquels des simulations de frappes ciblées et un exercice d’encerclement de l’île autonome ont eu lieu.
Cette démonstration de force est intervenue après la rencontre mercredi en Californie entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy, à laquelle Pékin avait promis de réagir.
L’armée taïwanaise reste en place
Tsai Ing-wen a condamné lundi les manœuvres militaires, quelques heures après leur achèvement officiel, estimant que la Chine se servait des relations entre Taipei et Washington comme d’une «excuse pour lancer des exercices militaires, créant de l’instabilité à Taïwan et dans la région». «Bien que l’exercice militaire de la Chine ait pris fin, notre armée et notre équipe de sécurité nationale continueront à rester à leur poste et à défendre le pays», a affirmé Tsai Ing-wen dans une publication sur Facebook.
L’armée chinoise a déclaré lundi avoir «achevé avec succès» ses manœuvres militaires. L’objectif était de simuler un «bouclage» du territoire de 23 millions d’habitants, a-t-elle expliqué. Et notamment un «blocus aérien», selon la télévision d’Etat CCTV.
Les Américains font circuler un destroyer
Washington, qui avait appelé à plusieurs reprises la Chine à faire preuve de retenue, a envoyé lundi le destroyer américain USS Milius dans un secteur de la mer de Chine méridionale revendiqué par Pékin pour y conduire une «opération de liberté de navigation». Une «intrusion» immédiatement dénoncée par la Chine.
Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a également déclaré que «l’indépendance de Taïwan et la paix et la stabilité dans le détroit Taïwan s’excluent mutuellement», accusant Taipei et les «forces étrangères» soutenant l’île – sans les nommer – d’être à l’origine des tensions.
Le contexte: des tensions croissantes
- La Chine considère Taïwan (23 millions d’habitants) comme une province qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
- Les Etats-Unis ont reconnu la République populaire de Chine en 1979 et ne doivent en théorie avoir aucun contact officiel avec la République de Chine (Taïwan) en vertu du «principe d’une seule Chine» défendu par Pékin.
- En octobre dernier lors d’un congrès du Parti communiste, le président Xi Jinping a assuré que la Chine chercherait à réunifier Taïwan pacifiquement mais ne «renoncera jamais à l’usage de la force» si besoin.
- Peu avant, Joe Biden a affirmé que les troupes américaines défendraient Taïwan si l'île venait à être envahie par la Chine.
- Les tensions s’élargissent à l’ensemble de la Mer de Chine méridionale, dans laquelle la Chine avance ses pions en militarisant certaines îles et même des îlots, notamment au large du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie. Selon certains calculs, Pékin revendiquerait 90% des 3,5 millions de km2 de cette mer.
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Alors que la Chine enserre toujours Taïwan, les Etats-Unis manœuvrent avec les Philippines - Le Temps
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