Avec les étapes dites à « bordures », c’est un peu toujours la même histoire. Les organisateurs proposent, mais le vent dispose. Depuis la présentation du parcours du Tour de France 2022, en octobre dernier, cette 2e journée (danoise) entre Roskilde et Nyborg avait été emballée comme un petit championnat du monde des bordures.
Imaginez un peu : le vent a déjà fait dérailler deux wagons d’un train de marchandises sur ce Storebæltsbroen, vendu avec ses 17 kilomètres au-dessus du détroit du Grand Belt comme le pont où le classement général pourrait se dessiner. Du moins se perdre pour certains. « Dans des régions très plates comme ici, au Danemark, on essaie de jouer avec les éléments. Mais les bordures, ce n’est pas une science exacte », avait prévenu le directeur technique de l’épreuve, Thierry Gouvenou.
Ce samedi 2 juillet, le vent a posé un lapin au « monsieur tracé » du Tour. Pas assez soutenu et de face, il n’a pas permis d’éparpiller le peloton façon puzzle et de brouiller tous nos repères pour les trois semaines à venir. Tout cela n’est pas vraiment le problème de Fabio Jakobsen. Le Néerlandais de la Quick-Step, lui, a appuyé sur l’accélérateur dans les cinquante derniers mètres de l’étape pour souffler la victoire à Wout van Aert, très « Poulidor » depuis le départ.
Déjà 2e lors du contre-la-montre de Copenhague, le Belge troque au moins le jaune de son maillot Jumbo-Visma pour celui du leader du général. Pas de quoi attrister son précédent propriétaire, Yves Lampaert, un homme et un équipier heureux à l’arrivée. La victoire de son sprinteur fait son bonheur, et Jakobsen (25 ans) sait ce qu’il lui doit. « Yves a été fantastique. Il est tombé sur le pont, il est revenu et m’a aidé. Hier, il me motivait en disant que j’allais gagner aujourd’hui », l’a-t-il remercié au micro de France 2.
Presque quatre minutes plus tard, Tadej Pogacar franchit la ligne à une allure de cyclotouriste et sur les jantes avec deux pneus crevés… Mais avec son éternel sourire espiègle. Le double vainqueur sortant a été ralenti par une chute dans les trois derniers kilomètres, mais a été reclassé dans le temps du premier comme le veut le règlement. Pour l’instant, la chance a toujours le Slovène à la bonne.
Une longue haie d’honneur danoise
Personne n’a donc perdu le Tour après le détroit du Grand Belt, comme attendu, redouté ou espéré. Une surprise ? Pas pour un Lampaert, rouleur, équipier et aussi monsieur météo de la Quick-Step. « Il y aura un vent de face demain [samedi], ça ne fait pas de bordures », prévenait-il, vendredi, à l’issue de son chrono victorieux. Malgré tout, le Belge a trouvé cette journée en jaune « très nerveuse ». « Il y avait quand même beaucoup de vent et les routes étaient étroites. Il y avait aussi beaucoup de gens sur le bord de la route… »
Pour cette étape de 202,2 kilomètres, le public danois a formé une longue haie d’honneur aux coureurs, mais avec un respect des plus nordiques. A la sortie de Roskilde, Radio Tour égrène les noms des premiers échappés de cette édition 2022. Pierre Rolland et Cyrille Barthe en sont pour la B & B Hôtels-KTM. Cette association « Rolland-Barthe » donne l’occasion de disserter sur l’école de la sémiologie française en attendant la grande bataille alors attendue. Les fuyards ont des pois rouges en tête. Problème : le Norvégien Sven Erik Bystrom (Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux) et le Danois Magnus Cort Nielsen (EF Education-EasyPost) aussi.
L’alliance scandinave profite du premier faux plat – érigé en côté de 4e catégorie parce qu’il faut bien pimenter ces étapes en intégralité – pour larguer les deux Français, désordonnés dans leurs attaques. « Je me suis mis dans le rouge et après, derrière, ils ont été plus forts. Ils ont vu qu’on était deux B & B donc ils ont voulu directement nous exclure du match », avoue Barthe. Sans forcer sur ses talents de sprinteur, Cort Nielsen remporte les trois classements de la montagne. Le maillot à pois assuré, le coureur d’EF Education-EasyPost laisse Bystrom voyager un peu en solitaire. Le champion du monde espoirs 2014 sait comment taper dans l’œil du jury du prix du combatif.
« Bon, on va éviter de faire le grand plongeon ! »
Et ces bordures ? Elles arrivent ? Toujours pas. Les Jumbo, la Quick-Step et les Ineos ont beau accélérer pour remonter à l’avant du peloton en formation groupée au moindre changement de direction, Eole n’y met décidément pas du sien. Reste que la nervosité était bien palpable. « Il aurait pu y avoir plus de combat, plus tôt, après, voilà, avec 18 kilomètres avec vent défavorable, ça a calmé tout le monde », résume le Français Anthony Turgis.
Sur ce pont de tous les dangers annoncés, les images sont belles, le spectacle lui est moins sauvage et brutal qu’attendu. Une chute à l’avant du peloton en envoie pourtant certains au sol. Parmi les malheureux… Anthony Turgis. A ce moment précis, le 2e du dernier Milan-San Remo doit se dire qu’il éviterait bien le bain de mer dans la Baltique. « Quand j’ai perdu le vélo et même vu le bord, j’ai pensé : “bon, on va éviter de faire le grand plongeon !” Mais ça va, les barrières étaient assez hautes et il restait un peu de place pour se mettre au sol », préfère en rire le coureur de TotalEnergies, malgré une hanche douloureuse.
Le natif de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) risque de traîner sa peine dimanche (« on va voir si c’est cassé ou si c’est un hématome qui est gonflé ») pour une 3e étape annoncée comme plus calme, entre Vejle et Sonderborg (182 kilomètres). A moins que le vent ne décide de surprendre son monde. Après tout, les bordures arrivent parfois quand on ne les commande pas.
Tour de France 2022 : alors, elles étaient où ces bordures ? - Le Monde
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