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Tuesday, March 29, 2022

« Alors, c’est pour quand le deuxième ? » : la pénible pression autour du second enfant - ELLE France

Léonore se souvient de ce soir de janvier dernier où elle est allée dîner avec ses anciennes collègues de bureau. Arrivée au restaurant, la jeune femme ôte son manteau, laissant entrevoir, sous sa robe fluide, son ventre légèrement gonflé après les excès des fêtes. Les commentaires fusent aussitôt. « Oh, génial, c’est pour quand ? Tu t’es enfin décidée à mettre en route le deuxième ! Il était temps, on se demandait franchement ce que tu attendais ! À sept ans, Lily-Grace devait avoir sacrément hâte d’avoir un petit frère ou une petite sœur ! » La trentenaire est à deux doigts de perdre son sang-froid. « Non, je suis juste grosse du bide, parce que je profite des plaisirs de la vie, lâche-t-elle, avec une pointe de sarcasme dans la voix. Et comme je compte bien encore en profiter longtemps, et que Pedro est sur la même longueur d’onde que moi, nous n’aurons pas de deuxième enfant. Vous pouvez donc me lâcher ! » L’ambiance du reste de la soirée ? Euh... de plomb.

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Comme Léonore, de nombreux jeunes parents sont confrontés à ce type de réflexions désagréables, parfois même choquantes, après la naissance de leur premier bébé. À peine ont-ils le temps de souffler et de faire connaissance avec leur nouveau-né qu’on les somme d’enfanter au plus vite. Les raisons invoquées ? Un enfant unique serait à coup sûr pourri gâté et deviendrait un adulte égocentrique, toujours insatisfait, voire potentiellement tyrannique. Sans compagnon de jeu, il aurait aussi toutes les chances de s’ennuyer et d’être malheureux. Eux-mêmes, parents, n’échappent pas aux critiques, car n’est-ce pas la marque évidente d’un profond égoïsme que d’empêcher son bout de chou d’assumer son rôle d’ainé ?

L’idéal de la famille nombreuse

« Mes proches ne comprennent pas mon choix, se désole Louise, 39 ans, maman d’une petite fille de quatre ans. Ma mère me rappelle sans cesse combien j’étais heureuse le jour où mon petit frère est né. Elle me dit aussi que je n’aurai personne pour s’occuper de moi lorsque je serai vieille. Ma cousine, elle, m’a même laissé entendre qu’il serait prudent de faire un autre enfant au cas où Clémentine viendrait à mourir. Je l’ai trouvée abjecte d’user de cet argument pour essayer de me faire changer d’avis. »

Car, c’est un fait, l’enfant unique ne fait pas rêver. Du moins dans l’Hexagone. D’après un sondage réalisé par l’INED en 2013, « plus de trois-quarts des gens estiment que c’est une mauvaise chose que de n’avoir ni frères, ni sœurs ». « La valorisation de la famille nombreuse – avec plus de trois enfants – a commencé après la guerre franco-allemande de 1870-1871, commente Anne Salles, spécialiste de l’évolution démographique et des politiques familiales en France et en Allemagne. L’objectif était alors de repeupler le pays, afin de restaurer sa puissance. » Ce modèle, défendu également par les catholiques depuis la fin de la Première Guerre mondiale, est resté fortement ancré dans l’inconscient collectif.

« Gérer plusieurs enfants ? Non merci. »

Il n’empêche : tout le monde ne partage pas ce soi-disant idéal. Selon les chiffres de l’Insee, en 2018, 4931 milliers de familles étaient composées d’un seul enfant, contre 4675 milliers, dix ans plus tôt. Une augmentation en partie due à l’accroissement des grossesses tardives (autour de 40 ans), qui incitent moins les femmes à se lancer dans une autre grossesse. Parmi ces familles aux enfants uniques, certaines n’ont pas pu, pour des raisons diverses et variées, agrandir la fratrie. D’autres n’ont tout simplement pas voulu.

C’est le cas de Camille et Paul. « Élever un enfant coûte horriblement cher, surtout en région parisienne, où les places en crèche sont rares, avancent ces deux chargés de clientèle bancaire. Cela nécessite aussi une bonne dose d’énergie. Nous avons assuré pour Jules, mais nous ne nous voyions pas revivre les biberons à préparer, les couches à changer et les bobos à soigner. Notre trio fonctionne très bien comme ça. »

Même constat pour Sofia et Romain. « Nous adorons passer du temps avec notre fille, mais nous aimons aussi faire la fête, voir des amis et voyager. Avoir un enfant demande une sacrée organisation. En gérer plusieurs ? Non merci. »

« Je me sens obligée de me justifier sur l’état de mon couple et de mes ovules »

Pourtant, lorsque le deuxième enfant se fait attendre, alors qu’aucune raison médicale ne s’y oppose, les remarques intrusives vont bon train et font peser sur les parents une pression sourde, souvent mal vécue. « Je me sens toujours obligée de me justifier sur l’état de mon couple et de mes ovules, lâche Barbara, 39 ans. C’est exaspérant, car décider d’avoir un enfant est un choix intime qui ne regarde personne d’autre que mon conjoint et moi ! »

« Ça sonne tellement comme une obligation que nous nous sommes un temps questionnés, poursuit Clotilde. Pourtant, Laurent et moi étions tous les deux sûrs, dès le début de notre relation, de ne vouloir qu’un seul enfant. »

Se questionner ? Léonore et Pedro n’y ont jamais songé. Pour l’heure, ils préfèrent réfléchir à leur prochain déménagement en grande couronne parisienne, où le couple vient d’acquérir une meulière. La famille ne va pas s’agrandir, mais elle voulait un endroit plus spacieux « juste pour eux trois. »

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