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Thursday, April 22, 2021

L’armée russe se retire de la frontière ukrainienne, et alors ? - Libération

Après avoir mis tout le monde sur les dents pendant plusieurs semaines en faisant planer le spectre d’une guerre dans le Donbass ukrainien, Moscou se rétracte. «Je considère que les objectifs des exercices surprises sont pleinement remplis. Les troupes ont démontré leur capacité à assurer une défense fiable du pays. J’ai donc décidé d’achever les activités d’inspection dans les districts militaires du sud et de l’ouest», a déclaré le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, alors qu’il se trouvait en Crimée, où 10 000 soldats russes effectuent des manœuvres en ce moment. A partir de vendredi, les troupes russes commenceront leur retrait vers leurs points de déploiement permanents. L’Otan a pris note de cette annonce mais «reste vigilante», a déclaré un responsable de l’Alliance, tout comme le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s’est félicité de ce retrait, qui conduisait à «une réduction proportionnelle de la tension».

Depuis la fin du mois de mars, la Russie avait commencé à amasser des troupes considérables – jusqu’à 150 000 soldats – et des armes lourdes, chars et avions de chasse, près de la frontière avec le Donbass ukrainien et en Crimée, et avait aussi déployé des navires dans la mer Noire. Dans le cadre de ces exercices militaires, l’espace aérien au-dessus de la péninsule annexée était limité, ainsi que le passage fluvial par le détroit de Kertch. Rejetant toute accusation d’escalade, Moscou jurait qu’il ne s’agissait là que de manœuvres tout à fait ordinaires, «qui ne devaient inquiéter personne». Dans le même temps, des messages peu ambigus étaient envoyés à Kiev, que le Kremlin accusait de provocation (des troupes ukrainiennes avaient été déployées dans l’est de l’Ukraine, près de la ligne de contact, en février). Et aux «collègues occidentaux», Américains et Européens, auxquels le Kremlin intimait de retenir la bride à leur pupille le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Les uns après les autres, Joe Biden, Emmanuel Macron, Angela Merkel ont tous appelé Vladimir Poutine à faire rentrer ses troupes dans les casernes, les ministres des Affaires étrangères du G7 l’ont exhorté à «cesser les provocations». En parallèle, les chancelleries occidentales, inquiètes du sort de l’opposant Alexeï Navalny, en grève de la faim depuis le 31 mars dans une colonie pénitentiaire, ont menacé en boucle de tenir Moscou pour responsable s’il arrivait quelque malheur à ce dernier…

La guerre n’aura pas lieu, pas cette fois

L’annonce de la fin des manœuvres ce jeudi arrive au lendemain du point d’orgue de cette longue passe d’armes : l’adresse annuelle de Vladimir Poutine à la Nation, mercredi, dans laquelle il n’a, de manière démonstrative, pas abordé ces dossiers diplomatiques brûlants. Le président russe a toutefois pris soin de rappeler que la Russie ne se laissera faire par aucun ennemi, ni intérieur ni extérieur. Que la réponse à tout franchissement des lignes rouges, établies par Moscou, sera «asymétrique, rapide et dure». Et que «les organisateurs de la moindre provocation qui menacerait les intérêts profonds de notre sécurité, le regretteront comme ils ne l’ont pas regretté depuis longtemps».

On peut spéculer sur le calendrier et les raisons de la fin des opérations militaires, qui de facto marquent une désescalade. Vladimir Poutine a-t-il obtenu l’effet recherché, à savoir attirer l’attention de Washington (un sommet est prévu à l’été avec Joe Biden, qui, au lendemain de son élection, n’avait pas manifesté d’impatience de s’entretenir avec son homologue russe) ; effrayer Kiev et rappeler aux Européens que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’UE faisait justement partie de ces lignes rouges à ne pas franchir ? Les cris d’orfraie des Occidentaux ont-ils été plus convaincants que d’habitude, dissuadant la Russie de se lancer dans une opération forcément coûteuse, pour les caisses de l’Etat comme pour les relations internationales (si tant est qu’elle n’a jamais vraiment projeté de recommencer la guerre) ? Selon Andreï Kortounov, le directeur général du Conseil russe pour les affaires internationales, Moscou n’estimait que trop bien le prix d’une opération militaire d’envergure et son objectif était plutôt de la «dissuasion par l’intimidation».

«Même si la guerre aujourd’hui paraît invraisemblable, elle reste un horizon possible pour toutes les parties. Des militaires ne s’exercent pas de manière abstraite avec des scénarios fantastiques. Ils ne se préparent pas par exemple à une descente de Martiens.»

—  Dmitri Trenin, directeur du centre Carnegie de Moscou

Moscou a vu d’un très mauvais œil les manœuvres printanières de l’Otan en mer Baltique et en mer Noire, ainsi que le renforcement de la présence militaire américaine en Allemagne, annoncée par Washington. «Les temps sont compliqués, analyse de son côté Dmitri Trenin, président du centre Carnegie de Moscou. Même si la guerre aujourd’hui paraît invraisemblable, elle reste un horizon possible pour toutes les parties. Des militaires ne s’exercent pas de manière abstraite avec des scénarios fantastiques. Ils ne se préparent pas par exemple à une descente de Martiens. Donc, pour les militaires, tous les scénarios sont envisagés de manière réaliste.»

Mais la guerre n’aura pas lieu cette fois, ou du moins pas encore. Ce qui ne veut pas dire que la situation ait évolué de manière significative ou que des solutions ont été trouvées. Malgré son insistance, Volodymyr Zelensky n’a pas reçu de promesses concrètes, ni de Paris et Berlin, ni de Washington, quant à ses demandes de rapprochement avec les alliances occidentales. Vladimir Poutine a certes obtenu une conversation téléphonique avec Joe Biden, mais chacun est resté campé sur ses positions. A la proposition faite il y a quelques jours par Zelensky de se retrouver «n’importe où dans le Donbass ukrainien, où il y a la guerre», Poutine a répondu ce jeudi qu’il attendait son homologue ukrainien «à Moscou, au moment qui lui convient». Une chose est sûre, le président russe reste une fois de plus celui qui souffle, à sa guise, le chaud et le froid.

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