Aux grands maux, les grands remèdes. Le 30 mars, le président nigérian, Muhammudu Buhari, a voyagé jusqu’à Londres, au Royaume-Uni, pour raison médicale. Alors que la pandémie mondiale de Covid-19 ébranle le système de santé du pays, déjà à bout de souffle, le séjour doré que s’est offert l’homme de 78 ans ne passe pas du tout.

Le hashtag #BuhariMustGo ou #BuhariDoitPartir a été partagé des milliers de fois sur la Toile. Frivolité, honte, hypocrisie… Les qualificatifs ne manquent pas. La presse s’indigne, les réseaux sociaux s’embrasent et l’opposition est, elle aussi, vent debout. Omoyele Sowore, un opposant au pouvoir en place, ironise :

Aidez-nous à ramener M. Buhari à la maison pour qu’il puisse faire son check-up médical dans l’un des hôpitaux magnifiques et performants qu’il a construits pour le Nigeria !”

“Un milliard de dollars” de pertes par an

Quant aux hôpitaux, comme pour exhorter le chef d’État à l’action, ils sont à l’arrêt depuis le 1er avril. Les médecins nigérians dénoncent la spirale infernale dans lequel est plongé le pays. En encourageant le tourisme médical, les agents de l’État, à commencer par celui qui occupe la magistrature suprême, condamnent le système de santé nigérian à l’agonie.

Non seulement cette pratique empêche que des réformes structurelles soient menées, mais elle vide aussi les caisses de l’État, relève le journal nigérian Daily Trust.

On estime que le Nigeria perd chaque année plus d’un milliard de dollars [850 millions d’euros] au profit du tourisme médical. Le montant a dépassé de nombreuses fois le montant total alloué au secteur de la santé dans les budgets annuels du pays.”

Déjà-vu

Il faut dire que le président commence à être un grand habitué des services médicaux britanniques. “Buhari a passé plus de deux cents jours, sur plusieurs séjours, en tourisme médical au Royaume-Uni depuis qu’il a pris ses fonctions, en mai 2015”, s’indigne le quotidien nigérian Punch.

Sans compter que chacun se souvient bien de l’année 2017, lorsque le président s’était absenté quatre mois consécutifs à Londres, pour des raisons de santé encore inconnues à ce jour. À l’époque, des manifestants scandaient “Retour ou démission”. Ce slogan a été remis au goût du jour. Car Muhammudu Buhari donne raison à ceux qui le déclaraient en 2019, lors de la dernière élection présidentielle, dans l’incapacité de gouverner.

Plus que jamais, les Nigérians, dont le quotidien a été imprégné par les attaques terroristes répétées et les conflits ethniques, semblent avoir besoin d’un président opérationnel. Pour l’heure, cela reste difficile d’y croire, estime Punch : “Quel genre d’héritage Buhari espère-t-il laisser derrière lui ?”

Pauline Le Troquier