- Les professeurs contractuels, recrutés hors concours de l’Education nationale, sont de plus en plus nombreux devant les élèves du premier degré (maternelle et élémentaire) en Gironde.
- Si certains sont contents de pouvoir exercer un métier qui les attire, ils fustigent tous la précarité des contrats et les salaires très bas.
- Le syndicat FO demande d’augmenter le nombre de places au concours de professeur des écoles, alors que les candidats ne manquent pas dans le département, tout en titularisant ceux des contractuels qui le souhaitent.
Emilie*, 36 ans, est enseignante contractuelle c’est-à-dire qu’elle a été recrutée hors concours par l’Education nationale. Depuis la semaine dernière, elle sait qu’elle va devoir faire classe dès ce lundi, jour de rentrée scolaire, à 26 bambins en petite et moyenne section de maternelle, dont un petit autiste. « Depuis, je prépare mes cours au taquet, raconte la jeune femme. Je suis allée sur le site du ministère pour voir les programmes, me les approprier. Et, je fais beaucoup de recherches, il faut s’organiser pour se repérer dans les apprentissages et aussi imaginer des supports. »
Fraîchement propulsée enseignante depuis la Toussaint 2022, Emilie sait déjà que cette rentrée va être intense et présage des semaines de cinquante heures, même si ce rythme se calme un peu par la suite. « C’est un métier dans lequel il faut toujours chercher des solutions, estime-t-elle. Et, en maternelle on nous demande aussi de donner beaucoup d’attention, d’affection, et de rassurer les jeunes parents d’élèves parfois un peu perdus. » Si elle a suivi le master d’enseignement Meef (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation), la trentenaire n’a pas souhaité passer le concours car elle n’envisageait pas de devoir quitter Bordeaux où elle a sa vie de famille. Pour se donner un maximum de chances, elle devrait en effet passer le concours en région parisienne. Elle a été fonctionnaire territoriale dans une collectivité avant de revenir à l’enseignement via l’ouverture de places à des candidats contractuels.
Des « bouche-trous » ?
Le recrutement des contractuels en Gironde est « exponentiel », pointe Delphine Marin, secrétaire départementale de la Fnec FP FO. Pour cette rentrée 2023, 190 stagiaires fonctionnaires ont été recrutés par concours sur le département, dont une trentaine sur liste complémentaire. Et dans le même temps, 38 enseignants néo-contractuels recrutés et 225 enseignants contractuels renouvelés ou CDIsés au 1er juillet 2023, selon les informations du rectorat de Bordeaux. « Une cellule de recrutement des personnels contractuels a été créée, elle travaille en transversalité avec les services de gestion du rectorat. De ce fait, les recrutements et/ou les prolongations de contrats ont pu être anticipés, précise le rectorat. Les nouveaux contractuels sont formés et fidélisés. »
Pour le syndicat FO, Il faudrait ouvrir davantage de postes au concours, alors même qu’en Gironde, on ne manque pas de candidats. Chaque année le nombre de professeurs recrutés au concours baisse et, jusqu’à l’année dernière, il n’y avait même pas de recours à la liste complémentaire avant de recruter des contractuels. Le syndicat prône aussi un plan de titularisation pour les contractuels qui le souhaitent. « On les utilise comme des bouche-trous, déplore Delphine Marin. Au début ils étaient sur des postes fixes et maintenant sur des postes de remplaçant, mais sans l’indemnité [de déplacement] que touchent les enseignants fonctionnaires. »
Rémunération basse et statut précaire
La rémunération est l’un des gros points noirs de ce statut de contractuel. Lydie*, 37 ans, en reconversion professionnelle après une première carrière dans la décoration intérieure, est professeur contractuelle depuis six ans, avec une interruption faute de recrutement sur l’année 2019/2020. « On a un salaire qui n’évolue pas, c’est le point négatif, et ce n’est pas un salaire très élevé, pointe la trentenaire, déjà que celui d’un fonctionnaire ne l’est pas. » Lydie a validé le master Meef mais n’a pas réussi à décrocher le concours, tenté à trois reprises. Si elle aime son métier qu’elle qualifie de « vocation », elle souhaiterait un contrat en CDI, plus stable, ne cherchant pas la titularisation.
Au lieu d’un concours interne (accessible après trois ans de contrats sans interruption), la jeune femme plaide pour une valorisation de l’expérience acquise en classe, au contact des élèves. « C’est un métier qui n’attire plus et qui est très compliqué, plaide-t-elle. Or, on fait l’affaire sur le terrain et on nous le dit, car je peux vous dire qu’en Gironde en tout cas, on est surveillés. »
« Ils sont envoyés au casse-pipe »
« Je suis très mal payée, moins bien payée que dans mon précédent poste, précise Emilie, alors que j’avais été recrutée sans le niveau bac. Je ne suis pas loin du Smic (1.383 euros nets par mois) pour être devant des élèves, avec un bac+5 et ce n’est pas normal. Dans le privé, je gagnerais plus mais je suis passionnée par ce métier qui m’apporte beaucoup. Cependant, je ne me vois pas y faire une carrière entière, compte tenu de l’instabilité. »
Reste alors les contractuels alternants, des étudiants en master 2 Meef auxquels l’administration propose de tenir seuls une classe, un jour par semaine. « Le ministère y gagne énormément car ils font le travail à la place d’un enseignant titulaire, déplore Delphine Marin. Ils sont envoyés au casse-pipe. » Pour les guider lors de cette plongée dans le grand bain, on leur offre généreusement une clé USB « prise en main de la classe »… Enfin, si la période d’essai des contractuels est d’un mois, les syndicats ignorent quelle part renonce pendant cette période. Mais Delphine Marin l’assure, « certains s’en vont pour être mieux payés en faisant moins de travail ».
*Le prénom a été changé à la demande de la personne interrogée.
Gironde : « Je gagne autour du SMIC alors que je suis devant des élèves et que j'ai un bac+5 », pointe une contractuelle - 20 Minutes
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