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Tuesday, March 7, 2023

Toulouse : Les travaux de démolition d'un immeuble commencent alors qu'il y a encore des habitants - 20 Minutes

« Tout a dégringolé dans la salle de bains. Ils étaient de l’autre côté du mur. » Bachira, ne peut pas franchement incriminer les voisins pour ce surprenant remue-ménage. Elle vit désormais quasi seule au 9e étage de l’immeuble Gluck de la Reynerie, à Toulouse, entourée de portes soudées, arpentant tous les jours des coursives désertées pour trouver un ascenseur encore en fonctionnement. Et comme l’éclairage est aléatoire dans les parties communes, elle dispose des petites bougies au pied de ses escaliers pour que sa fille se repère dans le noir quand elle passe la voir le soir

La sexagénaire, « là depuis trente ans », fait partie des irréductibles de cette résidence du Mirail vouée à la démolition depuis plus de dix ans. Une dizaine de locataires, sur 208 logements, refusent de quitter ce bâtiment emblématique conçu par l’architecte Georges Candilis à la fin des années 1960. La croisade de l’assemblée des habitants de la Reynerie n’est pas nouvelle. Soutenus par un collectif d’architectes, ils prêchent pour une réhabilitation de Gluck et des cinq autres « Candilis » condamnés dans le cadre de la rénovation urbaine du Mirail. Leur demande de moratoire n’a pas trouvé d’écho auprès des diverses collectivités locales concernées, pas plus que leurs arguments écologiques en faveur d’une rénovation qui coûterait selon eux moins cher.

Démontage des balcons

Mais depuis la semaine dernière, l’heure n’est plus au statu quo, ni même au bras de fer. A la grande surprise des occupants restant et des riverains, les travaux de démolition ont commencé. Pas à grands coups de bulldozer ou de pelleteuse. Mais tout de même, des ouvriers démontent les garde-corps des balcons qui atterrissent à grands fracas dans des bennes géantes disposées au pied de l’immeuble.  « Un travail de déconstruction sélective des cages inoccupées », explique le groupe Les Chalets, le bailleur social propriétaire des lieux.

Les bennes du chantier au pied de l'immeuble Gluck.
Les bennes du chantier au pied de l'immeuble Gluck. - H. Ménal

« Moi j’appelle ça un grand coup de pression. Il y a des gens dedans ! Normalement ils n’ont pas le droit », commente tristement Floréal, autre habitant tenace, en regardant, campé derrière les grilles du chantier des travailleurs en gilets fluo jouer les funambules sur l’aile du bâtiment où habite Bachira. Lui non plus n’a pas envie d’être « déraciné ». De quitter son T5 traversant avec vue sur le lac de la Reynerie.

« Un processus de relogement est mis en place pour que chaque famille ait une solution de relogement correspondant au mieux à ses attentes », plaide le bailleur assurant qu’il mène « un vrai accompagnement sur-mesure, par ailleurs encadré et validé par l’Etat ». Il insiste surtout sur le but de l’opération : « apporter une évolution du quartier pour améliorer le cadre de vie dans les années à venir au bénéfice des habitants ». « Nous annoncez que le projet sera merveilleux pour le quartier mais que nous ne pourrons pas en profiter, c’est osé » dénonce l’assemblée des habitants.

Un recours en justice envisagé

Difficile de se projeter pour Floréal ailleurs que dans cet immeuble où, comme le glisse un voisin, « il suffit de descendre pour trouver cinq épiceries, une pharmacie, trois docteurs et une boulangerie ». L’habitant historique a accepté avec son épouse de visiter un appartement pas très loin, à Bellefontaine. « Il était plus petit et plus cher. Et on a appris en revenant que l’immeuble allait lui aussi être démoli dans un an », s’offusque celui qui ne compte pas passer sa retraite à déménager.

Dans sa pile de courriers, Bachira en a un des Chalets l’informant qu’elle ne trouvera pas l’équivalent de son logement à la Reynerie. « Je suis diabétique, mes copines habitent l’immeuble d’en face », s’emporte-t-elle. « On en connaît plein qui sont partis et qui regrettent », ajoute de son côté Jean-Louis, porte-parole de l’assemblée des habitants. Face au casse-tête, cette dernière a pris attache avec une avocate et envisage un recours en justice pour faire cesser en urgence le chantier de démolition. Elle appelle aussi ce mercredi après-midi à une manifestation devant l’immeuble Gluck, qui part désormais concrètement en lambeaux.

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