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Tuesday, March 28, 2023

Influenceurs: alors qu'un cadre légal se dessine, une tribune fait polémique - FashionNetwork.com FR

Publié le
27 mars 2023
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27 mars 2023

Possible durcissement de la loi, plainte pour escroquerie, ébauche d'un cadre professionnel: la pression monte en France pour réguler le secteur des influenceurs... qui ont maladroitement répondu ce week-end via une tribune signée par 150 créateurs de contenus, dont Squeezie, EnjoyPhoenix, MCFly, Carlito ou You Make Fashion. Problème: plusieurs se sont depuis désolidarisés du texte, indiquant ne l'avoir pas lu, voire jamais signé.

EnjoyPhoenix (dimanche 27 mars), cosignataire d'un tribune réunissant 150 influenceurs, n'a pas réagi à la polémique et aux désolidarisations causées par le texte. - Instagram


L'enjeu est la "régulation d'une jungle" et la fin d'un "vide juridique", ont assuré mercredi 22 mars les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (Renaissance), en présentant leur proposition de loi commune. Des propositions déjà reprises par Bruno le Maire à Bercy, qui tenait une conférence de presse dédiée vendredi.

Le projet de loi prévoit entre autres de créer un statut juridique des influenceurs et de leur interdire de promouvoir certains produits (médicaments, investissements financiers etc.). Les influenceurs de moins de 16 ans profiteront également de dispositions protectrices du droit du travail des mineurs.

Une "brigade d'influence commerciale" va être en outre déployée par la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), tandis que les influenceurs devront indiquer l'utilisation de filtres ou retouches. Enfin un "guide de bonne conduite" est mis à disposition des influenceurs. La partie légale du projet sera examinée par l'Assemblée d'ici fin mars.

60% des agences dans l'illégalité 

Lundi, la DGCCRF a publié une enquête accablante sur les pratiques commerciales du secteur. Parmi plus d'une soixantaine d'agences et influenceurs ciblés depuis 2021, 60% n'ont pas respecté la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs.

Au menu, tromperie sur les produits vendus, promotion de paris sportifs risqués, voire d'injections "par des esthéticiens et des non-professionnels de santé", selon la DGCCRF.

"La France est la première nation en Europe à mettre en place un cadre complet et des règles claires sur le secteur de l’influence commerciale", se félicitait vendredi Bruno le Maire - Shutterstock


Face aux polémiques récentes sur le comportement des influenceurs, des agences spécialisées dans la relation entre les marques et les influenceurs avaient annoncé le 18 janvier dernier la création d'une première fédération professionnelle, l'Umicc (Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu).

L'Umicc qui s'est offert un "bad buzz" dans la foulée des propositions parlementaires. Elle est en effet derrière une tribune publiée dimanche dans le JDD et signée par 150 créateurs de contenus appelant à "ne pas casser le modèle vertueux" construit par les influenceurs, qui se défendent d'être "des panneaux publicitaires ambulants".
 

"Nous construisons des histoires, nous racontons des produits parce qu'ils nous plaisent et qu'ils pourraient plaire à notre communauté", indique la tribune.

Malaise chez les influenceurs signataires

La tournure maladroite du texte, donnant l'impression d'un barrage contre le projet de cadre légal, n'a pas manqué de surprendre les followers de certains signataires. Squeezie, plus gros youtubeur français (18 millions d'abonnés), indiquait dimanche soir avoir donné son accord au texte sans l'avoir lu.

"On m'a présenté cette tribune comme un moyen de nous défendre devant des lois trop extrêmes", explique-t-il, pointant l'absence de distinction entre créateurs de contenus et influenceurs. "En réalité, cette tribune (...) semble juste essayer de limiter la casse sur les influenceurs malintentionnés". Squeezie pointe d'ailleurs parmi les signataires "des influenceurs à l'origine même du problème".

"J'ai jamais signé un truc du genre et je pense que c'est la même chose pour au moins 90 % de la liste (des signataires, ndlr)", a assuré dimanche sur Twitter le vidéaste Gotaga (4 millions d'abonnés sur Youtube), lui-même indiqué comme signataire. "Idem ici, j'ai jamais signé ce truc", répond Cyprien, star du Youtube français avec 14,4 millions d'abonnés dont le portrait a longtemps trôné à l'entrée du siège parisien de Google, propriétaire du portail.

Le 8 octobre, Squeezie privatisait le circuit du Mans pour une course de Formule 4 entre influenceurs, suivie en direct par 400.000 internautes, chaque équipe affichant son propre sponsor. - Squeezie


Et les désolidarisations se sont multipliées, de Dr Nozman à Alix Grousset en passant par Henry Tran, Linca, Bruno Maltor... Avec le récit récurrent d'une sollicitation par une agence de communication spécialisée pour accord, sans lecture directe du futur texte de la tribune. 

"On nous a vendu le texte (de la tribune, ndlr) comme quelque chose qui ferait une nuance entre les créateurs de contenus et les influenceurs de Dubaï", résumait lundi sur France Inter le youtubeur Seb la Frite (5,2 millions d'abonnés). "On s’est tous fait avoir de la même manière."

Au point que c'est finalement l'Umicc elle-même qui présente lundi 27 mars au matin ses regrets. "Nous soutenons cette loi", clarifie le syndicat, qui indique que la tribune 'avait pour objectif (...) de raconter ce qu'est le métier de créateur et de soutenir l'initiative de régulation du secteur de l'influence par les pouvoirs publics afin de protéger les consommateurs et que l'équilibre très positif du texte actuel ne soit pas dénaturé lors du vote".

Un propos qui, pour le coup, synthétise bien une crainte récurrente des influenceurs du secteur: celle de voir émerger un cadre défini par des parlementaires d'une autre génération, et n'ayant pour seule connaissance du secteur que de récentes polémiques.

Des milliards d'euros en jeu

Cet épisode suit de quelques mois le début d'un conflit très médiatisé, qui a plongé le secteur dans la tourmente: il oppose le rappeur Booba et Magali Berdah, patronne de la grosse agence d'influenceurs Shauna Events.

Le premier reproche à la seconde de promouvoir des arnaques (marchandise non reçue, produits non conformes...); en retour, elle l'accuse de cyberharcèlement. La justice a ouvert deux enquêtes.

Dans la foulée, le gouvernement a initié en décembre une série de réunions et lancé une consultation publique, dans le but de mieux encadrer les pratiques. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire rendra compte d'éventuelles décisions d'ici mars.

Bercy publie un "guide de bonne conduite" listant 23 règles et recommandations pour les influenceurs - Bercy

Ces polémiques ont permis au grand public de découvrir sous un nouveau jour le concept d'"influenceurs", des personnes qui diffusent des contenus sur leurs réseaux sociaux et dont les avis peuvent influencer les modes de consommation de leurs abonnés.

Lundi 20 mars, c'est un collectif nommé AVI (Aide aux victimes d'influenceurs) qui a annoncé le lancement d'une action en justice par des dizaines de personnes, notamment pour "escroquerie" et "abus de confiance". Elles estiment avoir été arnaquées en investissant dans des produits financiers vantés par de célèbres influenceurs, dont le couple Marc et Nadé Blata.

Les plus gros sont des stars et ont des millions d'abonnés sur YouTube, Instagram, Snapchat ou TikTok. Un vecteur de publicité qui n'a pas échappé aux marques: appelée "marketing d'influence", la rémunération des influenceurs pour vanter des produits a explosé ces dernières années.

Elle représentait en 2021 un marché mondial estimé à quelque 12 milliards d'euros, une simple publication sur les réseaux sociaux pouvant rapporter plusieurs dizaines de milliers d'euros aux plus gros influenceurs.

(avec AFP)

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