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Thursday, January 26, 2023

TOUT COMPRENDRE. Retraites : alors, gagnantes ou perdantes ? On a étudié l'impact de la réforme pour les femme - Midi Libre

La réforme des retraites est-elle favorable aux femmes ? La volonté affichée du gouvernement cède la place à des critiques de plus en plus nombreuses, amplifiées par la parution le 23 janvier dernier, d'une "Etude d'impact" qui sème le trouble. Les Français sont en tout cas majoritaires à y voir une injustice, selon un sondage Odoxa réalisé pour le Figaro, publié ce jeudi 26 janvier 2023 : pour 6 personnes sur 10, les femmes sont, avec les catégories populaires et les actifs de 50-64 ans, les "grands perdants" de la réforme.

"Je ne peux pas laisser dire que notre projet ne protégerait pas les femmes. Au contraire" : contrainte à allumer un contre-feu, mardi 24 janvier, à l'Assemblée nationale, la Première ministre Elisabeth Borne a tenté d'éteindre la polémique montante sur les effets de la réforme des retraites, affichée initialement comme plus juste pour les femmes. 

Nouvelles règles pour le congé parental, revalorisation des pensions, durée de cotisation... les femmes sont-elles vraiment gagnantes ? La bataille des petites phrases fait rage, et les propositions mises sur la table, en l'état, ne sont pas aussi intéressantes qu'il n'y paraît.

A lire aussi : Réforme des retraites : employés, femmes, génération 1965, ouvriers... qui sont les gagnants et les perdants ?

Et elles prêtent à interprétation : "Je suis incapable de dire aujourd'hui à mon épouse si elle est gagnante ou perdante", indique ainsi l'économiste Philippe Villemus, enseignant et chercheur à Montpellier, qui rappelle que ces interprétations tiennent à l'essence de la question : "Les retraites, c'est à la fois un problème philosophique, comptable, sociétal, idéologique et politique".  Les économistes ne font d'ailleurs pas tous la même analyse de l'impact de la réforme.

Des mesures spécifiques pour les femmes

Une mesure est particulièrement favorable aux femmes : le congé parental pourra désormais être intégré dans leur carrière jusqu'à un maximum de quatre trimestres. 

Sur le papier, l'avancée est réelle. Selon le gouvernement, "cela permettra chaque année à plus de 2000 femmes de partir jusqu'à un an plus tôt à la retraite". Mais le dispositif s'applique uniquement pour les carrières longues, c’est-à-dire qu'il faut avoir cotisé des trimestres avant l'âge de 20 ans. Or, selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), les femmes ont souvent une carrière incomplète : 44 % pour celles de la génération 1950 (contre 32 % pour les hommes). 

Les femmes devraient aussi être en première ligne sur les mesures proposées en faveur des aidants familiaux, et, selon le gouvernement, "bénéficier d'une validation de trimestres" : "Ce sont la plupart du temps des femmes qui exercent ce rôle d'aidant". 

Avec la réforme, les femmes gagneront plus à la retraite ? 

Aujourd'hui, les inégalités à la retraite sont flagrantes : la pension des hommes est en moyenne supérieure de 40 % à celle des femmes. La situation s'appuie sur une inégalité des salaires : les hommes gagnent 22 % de plus, selon les données de l'Insee.

Selon le ministre du Travail Olivier Dussopt, "la pension moyenne des femmes sera revalorisée de 2,2 % à terme, contre 0,9 % pour celle des hommes". Et oui, Elisabeth Borne peut affirmer que "la réforme contribuera à réduire l'écart de pension entre les hommes et les femmes, premières bénéficiaires de la revalorisation des petites pensions". 

Selon les projections, c'est bien le cas. Mais cette situation a une explication : les femmes sont plus concernées par le dispositif qui prévoit une pension minimum de 1200 euros brut pour une carrière complète : sur les 1,8 million de retraités actuels concernés, 60 % sont des femmes.

Et pour les futurs retraités (à compter du 1er septembre 2022) : 30 % des femmes en bénéficieront selon les projections. Mais c'est au prix d'une augmentation sensible de leur durée de cotisation. 

Allongement de la durée de cotisation : les femmes pénalisées

Il faut aller loi, à la page 84 de l'Etude d'impact de la réforme des retraites, un pavé de 112 pages  publié le 23 janvier, pour toucher du doigt une des injustices majeures de la réforme, une durée de cotisation qui s'allonge plus pour les femmes que pour les hommes.

Les femmes sont "un peu pénalisées par le report de l'âge légal, on n'en disconvient absolument pas", a reconnu Franck Riester, ministre chargé des Relations avec le Parlement, dans un aveu remarqué le 23 janvier. "Parfois, le saut va être un tout petit peu plus grand", a renchéri le lendemain le ministre délégué aux transports Clément Beaune, sur Fraceinfo.

Selon l'étude, après la réforme, 210 000 femmes par génération devront décaler leur départ contre 170 000 hommes.

Pour l'économiste Philippe Villemus, le phénomène tient essentiellement à l'annulation des effets de la réforme de 2010, qui ouvrait aux mères une validation supplémentaire de trimestres dès le premier enfant (jusqu'à 8 par enfant dans le privé, 4 dans la fonction publique), leur permettant ainsi de partir avec une carrière complète à 62 ans.

Exemple très concret, sur les outils de simulation mis en ligne : S. 52 ans, un enfant, en CDI depuis le 1er janvier 93, qui a cotisé deux trimestres avant cette date, et ne s'est jamais arrêtée de travailler, pouvait partir le 1er juillet 2032, à 62 ans avant la réforme (âge minimum de départ), ce sera 64 ans (1er juillet 2034). L'âge minimum d'un départ à taux plein est passé de 62 ans et 9 mois à 64 ans. 

Dans le magazine Challenges du 11 janvier, Rachel Silva, économiste et maîtresse de conférence à l'université Paris-Nanterre, spécialisée dans les inégalités au travail, estime, comme la CGT, que les femmes seront particulièrement défavorisées : "En allongeant l'âge de départ, la part des seniors précaires va mécaniquement augmenter puisqu'en France, être senior est mal vu au travail. Les femmes seront encore le plus touchées". Selon les chiffres du gouvernement, en 2020, 77 % des hommes de la tranche d'âge 55-59 ans travaillaient, contre 71 % des femmes.

Élisabeth Borne martèle que les femmes continueront à "partir plus tôt que les hommes".  

Selon l'étude du gouvernement, les femmes de la génération 1965 partiront en moyenne à 64,7 ans, contre 65 ans pour les hommes. 

Les inégalités hommes/femmes moins marquées?

"L'amélioration du montant des pensions est nettement plus marquée pour les femmes", estime le gouvernement, c'est vrai. Mais l'impact sera minime, rappelle Philippe Villemus, compte tenu de la faiblesse de la différence de progression entre femmes et hommes, moins de 1 % d'écart ou à peine plus selon les projections.

C'est 0,8 % d'écart pour la génération 1966 (+ 1 % pour les femmes, + 0,2 % pour les hommes) et 1,3 % pour les suivantes (+ 2,2 % pour les femmes, et + 0,9 % pour les hommes).

Sachant que les femmes restent, aujourd'hui encore, les plus impactées économiquement par la naissance d'un enfant. Une étude de l'Insee, publiée en 2019, estime que les mères qui travaillent  perdent 20 % de leur salaire, au moins dans les cinq années qui suivent la naissance, alors que les pères ne sont pas concernés.

Leur principal avantage repose, et les réformes n'y sont plus rien, sur... leur longévité, un argument d'ailleurs repris par le gouvernement. Avec un trimestre de plus travaillé en moyenne par rapport aux hommes, les femmes de la génération 65 ne devraient pas trop y perdre. Leurs aînées de la génération 1960 avaient une durée moyenne de retraite de 26,5 ans, contre 23,2 ans pour les hommes.

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