Rien ne laissait présager que leur cursus puisse s’arrêter du jour au lendemain. Julie (1) et sa cousine partagent la même vocation. Ces jeunes filles de 16 ans souhaitent devenir esthéticiennes. Pour cela, elles se sont inscrites l’an dernier à l’École européenne d’esthétique, un établissement de l’avenue Notre-Dame, à Nice. Sauf que vendredi, elles ont appris par un mail envoyé à 17 heures sa fermeture définitive.
"Alors ça, c’est incroyable, on ne s’y attendait absolument pas, s’insurge Élodie, la mère de Julie. Vous vous rendez compte? Comment est-ce possible de fermer une école comme ça, en plein milieu de l’année? Ma fille et ma nièce sont toutes les deux en deuxième année. Elles devaient être diplômées dans quelques mois. Là tout tombe par terre! Comment vont-elles faire?"
Liquidation judiciaire
Dans son courrier électronique, l’établissement évoque simplement une liquidation judiciaire. En revanche, ni sur son site Internet, ni sur sa page Facebook est fait mention de sa fermeture. La seule trace "publique" de la cessation de son activité figure sur sa porte: une feuille A4 est scotchée avec écrit "établissement fermé" et une adresse mail. Nous avons tenté de joindre les responsables sur place, par téléphone et par mail, en vain.
Julie a appris la nouvelle vendredi alors qu’elle était dans l’institut où elle fait son alternance. "Des amies qui étaient à l’école ce jour-là m’ont raconté une scène hallucinante: alors qu’elles étaient en cours, on leur a dit de partir, toutes les affaires ont été mises dehors. Certaines ont dû rentrer chez elles, parfois loin, avec quatre sacs dans les bras. Et personne ne leur a fourni d’explication."
Avec le recul, la jeune fille repense à une scène particulière: "Jeudi, j’étais à l’école et les responsables ont organisé un goûter. C’était la première fois. On s’est dit que c’était juste pour partager un petit moment sympa. Mais maintenant, j’ai l’impression que c’était pour dire au revoir." En effet, dans le mail reçu par les parents, il est mentionné que le tribunal de commerce a prononcé la liquidation par décision du 18 janvier 2023, soit la veille (lire encadré).
Quid des élèves?
Qu’en est-il des élèves: vont-ils pouvoir poursuivre leur formation ailleurs? Leur faudra-t-il tout recommencer? Pour ceux qui ont payé plusieurs milliers d’euros, peuvent-ils prétendre à une indemnisation? Dans le mail de l’école, il est indiqué que "des mesures vont être proposées individuellement pour permettre la poursuite du cursus scolaire".
"J’ai entendu dire par une copine – parce qu’impossible de joindre l’école – qu’on serait reclassés au CFA [Centre de formation des apprentis] de Carros, raconte Julie. Mais pour moi ça va être trop compliqué, je n’ai plus que 5 mois avant de passer mon CAP, le temps que ça se fasse, je vais louper plein de choses. Sur la pratique, ma maître de stage me dit que je maîtrise super-bien. Mais sur la théorie, j’ai encore des lacunes, il me manque des cours."
Élodie multiplie les coups de fil depuis le début de la semaine, très inquiète pour l’avenir professionnel de sa fille. "J’ai rendez-vous avec une école à Nice où Julie pourrait finir son année. Le problème, c’est qu’il y a tellement d’étudiants concernés qu’il risque de ne pas y avoir assez de place! C’est hyperstressant." Nombreux sont les parents dans la même situation, ils envisagent de se constituer en collectif.
Quel est cet établissement ?
L’école technique privée européenne d’esthétique – de son nom complet – a été créée « à Nice en juillet 1991 (...). En 2019, la gestion de l’école est confiée à Philippe Lardé qui, parallèlement, reprend la marque IRIS FAB LAB », apprend-on sur son site Internet. Elle occupe ses locaux dans un immeuble bourgeois de l’avenue Notre-Dame depuis 2015.
Vérification faite auprès du tribunal de commerce : la liquidation judiciaire a bien été prononcée le 18 janvier 2023 et un mandataire judiciaire a été nommé (la SCP BTSG² à Nice). Cette décision intervient après l’échec d’une procédure de redressement judiciaire, qui était donc engagée depuis plusieurs mois.
Entre septembre et décembre, l’établissement a multiplié les posts sur sa page Facebook – toujours visibles – pour inciter les intéressés à s’inscrire, probablement pour faire face à ses difficultés financières.
L’école européenne d’esthétique proposait des formations diplômantes de niveau CAP, BP, Bac Pro, BTS ; ainsi que des spécialisations. Depuis 2015, elle était un CFA – Centre de formation des apprentis. Les tarifs (par année) sont détaillés sur la brochure, encore disponible sur le site web. Ils oscillent selon les formations et modules choisis de 1990 à 9 600 euros, sauf pour les formations en alternance. Pour ceux qui souhaiteraient un remboursement partiel, il leur faudra s’adresser au mandataire judiciaire qui recueille les doléances de tous les créanciers (attention, sans garantie de dédommagement).
"Alors ça, c'est incroyable": une école d'esthétique de Nice ferme du jour au lendemain, les étudiantes démunies - Nice matin
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