Jean-Louis Loubet est historien de l’automobile. Il revient sur le débarquement des Japonais dans les années 1980 qui avait soulevé un vent de panique dans l’industrie européenne.
Dans les années 1980, l’arrivée en Europe des marques japonaises a suscité de nombreuses craintes parmi les constructeurs. Etaient-elles justifiées ?
L’inquiétude était bien réelle. Pas tant au niveau des voitures japonaises, qui étaient des propulsions aux roues arrière et paraissaient assez peu sophistiquées voire rustiques. Les marques européennes étaient sûres de la supériorité de leurs produits, plus modernes avec leurs roues arrière indépendantes et la traction aux roues avant. En revanche, lorsqu’ils regardaient les usines de leurs nouveaux concurrents, les Européens avaient l’impression de ne pas se trouver sur la même planète. Les firmes nippones achetaient 75 % de leurs voitures à des sous-traitants alors qu’eux-mêmes en fabriquaient 75 %.
Les dirigeants de Peugeot et de Renault se sont alors rendus au Japon pour comprendre à qui ils avaient affaire. Ils ont découvert une organisation fondée sur la qualité et l’absence de stock, très éloignée de la réalité qu’ils connaissaient. Ils furent abasourdis. Jamais, pensaient-ils, ils ne pourraient adopter cette organisation dans les usines de Billancourt ou de Sochaux.
Le rapport prix/équipement des voitures japonaises était très intéressant. La concurrence a-t-elle été déstabilisée ?
Les marques françaises étaient très étonnées par les tarifs pratiqués par les nouveaux venus. Elles étaient persuadées que leurs rivaux asiatiques étaient fortement subventionnés par l’Etat japonais. Leurs dirigeants s’en sont ouverts au gouvernement français, qui, après s’être penché sur le sujet, leur a assuré qu’il n’en était rien.
Finalement, l’Europe n’a pas subi le raz de marée japonais tant redouté. On ne peut pas en dire autant des Etats-Unis…
Les marques américaines ont été beaucoup plus affectées par l’arrivée de Toyota, de Nissan ou de Honda. Les trois grands de Detroit disposaient de modèles dont les coûts n’étaient pas maîtrisés et dont les motorisations étaient complètement inadaptées aux conséquences du choc pétrolier. Comparativement, la conception des modèles européens était bien meilleure et c’est ce qui leur a permis de mieux résister, d’autant que l’Europe a protégé son marché.
On peut même dire qu’une sorte d’osmose s’est produite. Progressivement, les Japonais ont mis à niveau leurs véhicules et conçu toutes leurs voitures comme s’il s’agissait de les vendre aux clients du Vieux Continent. En parallèle, les Européens ont transformé leurs usines en adoptant une organisation proche de celle de leurs concurrents. Quant aux Coréens, qui sont arrivés plus tard, ils se sont largement inspirés des Japonais, en jouant à la fois sur le prix et la qualité.
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« Les constructeurs de voitures chinois arrivent en pleine période de rupture, alors que les Japonais ont dû s'imposer un long apprentissage » - Le Monde
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