Le 15 février 2022, dans les Landes, un Mimizannis, défenseur de la chocolatine a ainsi écopé de quatre mois de prison ferme pour avoir déclenché une violente bagarre et arrosé de coups deux jeunes originaires du Nord. Ces malheureux, qui ne connaissent que le pain au chocolat, ont récolté fracture de la mâchoire, dents déplacées (ce qui n’aide pas à mâcher son pain au chocolat) et enfoncement du crâne. Quand même.
Une fracture Nord-Sud ?
On le voit, s’il semble futile au premier abord, le motif s’avère particulièrement clivant et la fracture de la chocolatine (ou du pain au chocolat), si elle divise pareillement le territoire, suscite finalement en France plus de passions que la fracture numérique ou, on peut le regretter pour la bonne santé de notre démocratie, que l’élection présidentielle.
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Ce serait donc pain au chocolat au Nord et chocolatine au Sud ? Oui… et non. La réalité du terrain est beaucoup plus complexe. Selon un sondage de mars 2019, 63 % des habitants de Nouvelle-Aquitaine parlent de chocolatine, alors qu’ils sont 94 % en Île-de-France à dire pain au chocolat. Et en Occitanie, si Toulouse déguste la chocolatine, en pays catalan, on mange des pains au chocolat, tout comme à Paris. Bref, l’expression divise même au sein des régions.
Quand la chocolatine échoue à l’Assemblée nationale
Le débat s’est même invité à l’Assemblée nationale. Si, si. En mai 2018, dix députés Les Républicains ont défendu un amendement visant à protéger la dénomination « chocolatine ». Raté. Le lobby du pain au chocolat a eu raison de la noble intention des élus du peuple : l’amendement qui voulait “Valoriser l’usage courant d’appellation due à la notoriété publique du produit et de ses qualités reconnues au travers d’une appellation populaire” a été retoqué le 27 mai.
Le mot « chocolatine » est plus ancien…
Mais pourquoi tant de haine ? Et, surtout, qui a tort et qui raison ? Remontons le temps. Le débat remonterait au XIXe siècle et à un Autrichien qui, en ouvrant en 1838 sa Boulangerie viennoise à Paris, au 92 rue de Richelieu, ne se doutait pas qu’il allait allumer une véritable guerre de tranchée. Officier et inventeur du fusil à percussion mais aussi éditeur et homme politique, Auguste Zang, c’est son nom, aurait importé plusieurs viennoiseries, dont le « kipfel », l’ancêtre du croissant, et une brioche garnie de chocolat, appelée « Schokoladencroissant », littéralement « croissant au chocolat ». L’appellation aurait été très vite abrégée en « schokoladen » par les Français, puis déformée au fil du temps. Les pâtissiers français se seraient par la suite réapproprié la recette en remplaçant la pâte briochée par une pâte feuilletée.
Alors, victoire aux tenants de la chocolatine ? Pas forcément. Pour aussi séduisante soit-elle, il ne s’agit que d’une hypothèse. Il n’existe en effet aucune archive officielle pour corroborer cette histoire.
« Chocolate in », l’hypothèse fantaisiste
Selon un autre récit, détaillé par le blog Couteaux & Tire-bouchons, l’affaire, plus ancienne, remonterait au XVe siècle. À cette époque, l’Aquitaine était anglaise et notre ennemi héréditaire, friand de cette gourmandise, française donc et non autrichienne, se serait régalé de « chocolate in bread «. L’expression serait devenue avec le temps « chocolate in «, puis « chocolatine ». Aliénor d’Aquitaine donnerait donc ses lettres de noblesse à la chocolatine en rivant définitivement leur clou aux partisans du pain au chocolat ? Bien tenté. La légende étymologique est belle, mais elle se heurte à une dure réalité : découvert en même temps que l’Amérique (« officiellement » en 1492 par Christophe Colomb), le chocolat n’est arrivé en Europe qu’en 1528.
…. mais « pain au chocolat » est plus usité
Et le pain au chocolat, alors ? Selon le chocolatier et torréfacteur de cacao Nicolas Berger, le pain au chocolat était à l’origine un morceau de pain dans lequel on fourrait un morceau de tablette de chocolat noir, un goûter dont les enfants raffolaient et qui aurait donné ensuite son appellation à la fameuse viennoiserie. La volonté de l’Éducation nationale, sous la IIIe République, d’adopter une langue unique sur tout le territoire, au détriment des langues régionales, aurait généralisé l’expression « pain au chocolat ». Et beaucoup plus tard, en 1969, la chanson « Le Petit Pain au Chocolat » de Joe Dassin aurait fait le reste.
Tous les matins il achetait son petit pain au chocolat (aye aye ayayay) La boulangère lui souriait, il ne la regardait pas (aye aye ayayay) Et pourtant elle était belle, les clients ne voyaient qu’elle Il faut dire qu’elle était vraiment très croustillante…
« Chocolatin’song »
Alors, pain au chocolat ou chocolatine ? Il est plus que temps de choisir son camp. Certes, les locuteurs utilisant « pain au chocolat » sont plus nombreux, en raison de l’uniformisation de la langue, mais le mot « chocolatine » est plus ancien. Si l’on ajoute que le pain au chocolat n’a, au demeurant, rien à voir avec la composition de la viennoiserie, c’est la chocolatine qui gagne le match. Sans chauvinisme aucun.
Dans un souci d’apaisement, on laissera le dernier mot à Chocolatin’Man. Cet Agenais d’adoption qui affirme défendre la chocolatine du Sud-Ouest ensoleillé contre l’hégémonie du pain au chocolat du grand nord a même mis en musique et en ligne ce noble combat :
« Pain au chocolat ou chocolatine ? /Tout ça, c’est des viennoiseries/Pain au chocolat ou chocolatine ? /On s’en fout ! /De toute façon, je préfère le pain aux raisins. »
En 2017, sa chanson, « Cholcolatin’song » a fait le tour des réseaux sociaux. Mais au fait, connaissez-vous l’origine du pain aux raisins ?
Vidéos. Alors, chocolatine ou pain au chocolat ? Les origines d’un duel éternel - Sud Ouest
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