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Wednesday, February 16, 2022

Affaire Orpea : « En Ehpad, ma mère se serait éteinte depuis longtemps, alors je l’ai prise chez moi » - 20 Minutes

Des repas peu ragoûtants et de faible qualité nutritionnelle. Des toilettes effectuées montre en main. Et des couches changées pas trop souvent pour ne pas entamer les stocks. Si depuis des années, le manque chronique de moyens humains et matériels dans les Ehpad est régulièrement dénoncé, la publication du livre enquête Les fossoyeurs, qui a révélé les coulisses de certains Ehpad du groupe Orpea, a terni un peu plus l’image d’une partie des établissements accueillant nos aînés, où leur bien-être est parfois sacrifié sur l’autel de la rentabilité.

Face à ce constat, les premiers concernés sont souvent déterminés à rester chez eux aussi longtemps que possible. Mais quand la perte d’autonomie est trop importante et rend le maintien à domicile impossible, certaines familles font alors le choix de prendre leur parent à la maison pour leur éviter l’Ehpad. Un choix motivé par l’amour et l’envie d’assurer le bien-être de son parent durant ses dernières années, mais qui nécessite une organisation bien rodée et dévouement sans faille. Et qui réserve son lot de contraintes, mais qui est très gratifiant, comme le racontent nos lecteurs et lectrices à 20 Minutes.

« Je me suis toujours promis d’éviter l’Ehpad à mes parents »

La face cachée et sombre des Ehpad, Patricia, 68 ans, la connaît bien. « J’ai travaillé comme aide-soignante, notamment chez Orpea et je me suis toujours promis d’éviter l’Ehpad à mes parents le moment venu ». Ce moment, c’était en mars 2020, au début de la pandémie de Covid-19. « Ils sont autonomes, mais avec les problèmes cardiaques de mon père, ils ne pouvaient plus vivre seuls dans leur maison située à 45 minutes de chez moi. Alors, mon papa de 94 ans et ma maman de 88 ans sont venus vivre chez nous. Ils ont financé l’aménagement d’un appartement dans notre maison : une grande pièce de vie avec une partie cuisine, une chambre et une salle de bains adaptée au handicap, le tout de plain-pied avec accès direct au jardin. Je les aide pour les courses, les médicaments et l’organisation au quotidien : mon expérience d’aide soignante à domicile m’a été très utile ».

Depuis quelques mois, Michel, 55 ans, a installé à la maison sa mère, âgée de 90 ans et atteinte d’Alzheimer. « Au rez-de-chaussée, elle a sa chambre, une salle d’eau adaptée et ses toilettes ». Lit médicalisé, siège de bain, fauteuil roulant et autre matériel médical technique, « les prestataires de santé à domicile (Psad) sont là pour accompagner les patients et leurs aidants à mettre en place un environnement adapté au niveau d’autonomie de la personne », indique la Fédération des Psad.

Un réseau d’aide précieux

Pour l’aide au quotidien et pour les soins, « selon le degré de dépendance et le plan d’aide établi par le conseil départemental dans le cadre de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), différents services peuvent être mis en place, explique Ronald Lozachmeur, directeur général d’Assia réseau Una, association d’aide et de soins aux personnes en perte d’autonomie. Il y a tout d’abord l’aide à domicile : pour l’entretien de la maison, préparer et donner repas, pour le lever et le coucher ou encore pour aider à la toilette simple, cite-t-il. Quand la dépendance est plus importante, il y a aussi les soins assurés par des aides-soignants et les soins plus techniques assurés par nos infirmières. Evidemment, pour les aidants familiaux, tout ce réseau est fondamental pour arriver à tenir la distance physiquement et psychologiquement : devoir porter et laver son parent âgé quand on a plus de 65 ans, ce n’est pas forcément chose aisée ».

Ainsi, Michel voit chaque jour tout le réseau d’aide à domicile qu’il a tissé pour sa mère : « Une infirmière passe matin et soir pour différents soins, une auxiliaire de vie passe du temps avec maman et assure le ménage dans son espace de vie et un kiné passe chaque semaine. Et ma mère va deux fois par semaine en l’accueil de jour où elle retrouve d’autres patients Alzheimer ». Valérie, elle, peut compter pour l’aider à prendre soin de sa mère sur une auxiliaire de vie qui « vient deux à trois fois par jour veiller sur elle et lui donner son déjeuner quand je travaille », raconte-t-elle.

« C’est lourd », mais « je ne regrette rien »

A 52 ans, elle ne regrette pas son choix. « Aujourd’hui, elle est complètement dépendante et c’est lourd et compliqué de s’en occuper au quotidien, mais malgré son état de santé, elle nous reconnaît et voit ses petits enfants régulièrement. Et ce n’est que du bonheur de la voir sourire, se réjouit Valérie. Et en Ehpad, ma mère se serait éteinte depuis longtemps ».

Un avis partagé par Dalila, 56 ans, maman d’un enfant porteur de Trisomie 21, qui n’a pas hésité à accueillir sa mère. Pourtant, « je n’ai eu ni aide ménagère ni aide-soignante, alors qu’elle ne pouvait plus marcher. A la longue, c’est devenu difficile de concilier travail, mon enfant et ma mère, mais avec l’aide de ma fratrie, on a pris soin d’elle jusqu’au bout. Aujourd’hui, elle nous a quittés et je ne regrette rien : elle n’a jamais été hospitalisée et a vécu jusqu’à son dernier souffle auprès des siens. Je préfère mille fois m’en être occupée avec beaucoup de tendresse, comme une mère pour son enfant ».

« Ma sœur vient me remplacer »

Et compter sur l’entourage est déterminant pour alléger ce quotidien qui requiert une logistique importante. « Nous avons la chance de vivre avec mes enfants et mes petits-enfants dans la maison voisine, confie Patricia. Si on s’absente, il y a toujours quelqu’un sur place près d’eux. Avec quatre générations qui cohabitent, cette situation nous paraît idéale, même si c’est une charge logistique importante. Mais mes parents sont faciles à vivre et leurs arrière-petits-enfants ont à cœur de les voir si souvent ».

« Quand nous avons besoin de nous éclipser avec mon mari, ma sœur vient à la maison pour me remplacer », raconte Dominique, 67 ans, dont le « père souffre de la maladie de Charcot ». Michel, lui, peut compter sur le soutien de ses proches : « Mon épouse m’aide au quotidien, ma sœur aînée s’occupe des finances de maman et mon autre sœur s’occupe de notre mère quand nous partons en week-end ou en vacances. L’état de maman se dégrade et il devient compliqué par moments de gérer ma vie de couple, mais pour le moment ça tient ». C’est pourquoi « nous proposons un service d'aide aux aidants, avec une équipe qui se déplace à domicile, parce qu’on sait désormais que c’est très difficile parfois d’être un aidant », observe Ronald Lozachmeur.

« Je n’ai pas trouvé d’aide disponible »

Car il faut y être préparé à la difficulté. Quand Christine, 59 ans, a décidé au moment du premier confinement d’accueillir son père chez elle, à Lyon, elle n’imaginait pas ce qui l’attendait. « A 89 ans, il vivait seul chez lui en Haute-Loire, il recevait deux fois par jour des soins infirmiers pour sa sonde à demeure. J’ai contacté au total quarante-deux cabinets infirmiers pour qu’il soit soigné chez moi, sans succès, parce que cet acte technique, payé seulement cinq euros, n’était pas assez rémunéré pour le temps qu’il prend. Alors j’ai appris à le faire moi-même ses soins, alors que mon père a les moyens de prendre en charge ces frais et que je ne suis pas infirmière. Avec le temps, mon père perd en autonomie et physiquement, c’est difficile à gérer pour moi. Les aidants ne sont pas aidés ».

En pratique, « comme à l’hôpital et en Ehpad, le secteur de l’aide à domicile est lui aussi frappé par un manque chronique d’effectifs, souligne Ronald Lozachmeur. A ceci près que, entre les annonces de revalorisation dont nous n’avons pas bénéficié, les faibles salaires, les horaires décalés, les déplacements à domicile quand le prix des carburants s’envole et qu’il s’agit de soins que l’on effectue généralement seul et non en équipe, notre secteur est encore moins attractif. On a dans tout le territoire de nombreux postes vacants, faute d’attractivité suffisante. Avec des conséquences directes sur les capacités de nos structures à répondre à la demande qui, elle, est croissante et devrait exploser. Il serait temps d’en faire un enjeu politique majeur ».

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