FIGARO DEMAIN - Relever le défi du changement climatique ne se fera pas sans une meilleure protection de la nature.
Rivés sur leurs tableaux de suivi de la crise sanitaire, les dirigeants en oublient d’intégrer la biodiversité à leurs plans de relance: en France, sur 30 milliards dédiés à l’environnement, moins de 3 milliards lui sont affectés. Ce n’est guère une surprise: elle a toujours été le parent pauvre de l’écologie.
À lire aussiLes grands groupes s’engagent pour protéger la biodiversité
«Le climat, la nature et l’humanité sont inséparables, nous le mesurons beaucoup mieux malheureusement depuis que nous avons vécu cette pandémie de Covid-19, car nous avons refait l’expérience de notre ancrage dans le vivant», a lancé Emmanuel Macron en ouverture du Congrès mondial de la nature organisé par l’UICN à Marseille début septembre. Il était temps.
D’autant que l’effondrement de la biodiversité pénalise le climat, tant les deux sont étroitement liés. En premier lieu parce que les forêts sont des puits de carbone. Or l’Amazonie a fait l’objet de telles coupes que non seulement elle ne joue plus ce rôle, mais elle est même devenue émettrice de gaz à effet de serre. «La baisse du couvert forestier limite aussi les vapeurs d’eau et accentue les sécheresses ou les événements extrêmes, comme les inondations», souligne Morgane Yvergniaux, responsable agriculture durable de Pernod Ricard. Sa filiale Martell a ainsi lancé sur l’île de Hailing (au sud de Canton) un programme de conservation des mangroves, non seulement réserves naturelles, mais aussi remparts contre les tempêtes et les typhons.
Pourquoi la tâche est si complexe?
Du côté des océans, c’est par exemple la disparition du phytoplancton, susceptible de capter le CO2, qui impacte l’aquaculture des huîtres ou le blanchissement des coraux.
«On ne peut pas se contenter de neutraliser notre impact, il faut contribuer à régénérer la Terre», estime Brune Poirson, aujourd’hui directrice du développement durable d’Accor. Or les freins sont nombreux. Il s’agit souvent de problématiques locales. Dans l’Inde surpeuplée où la population vit en grande partie de la terre, la préservation de la biodiversité peut générer des tensions très fortes.
La tâche est d’autant plus complexe qu’il n’y a pas d’unité commune pour mesurer les efforts à fournir, comme la tonne de CO2 pour le climat, mettent en avant certains. Or l’UICN a développé plusieurs indicateurs permettant d’évaluer l’impact d’une décision.
Le climat symbolise le ciel qui nous tombe sur la tête et fait peur, tandis que la biodiversité attriste. Mais le secteur privé et les investisseurs sont en train de comprendre que c’est le sol qui se dérobe sous nos pieds
Aleksandar Rankovic, enseignant à Sciences Po
Les experts du Giec et de l’Ipbes - son homologue pour la biodiversité - ont publié en juin dernier un premier rapport conjoint appelant à une action concertée. Et il n’est pas anodin que, parmi les objectifs de la prochaine COP15 Biodiversité, figure notamment la préservation des écosystèmes de façon à séquestrer 10 gigatonnes de CO2 supplémentaires d’ici à 2030. «Certains États, comme le Brésil, n’y sont pas favorables, conscients que cela renforcerait les conventions climat et biodiversité», tempère Aleksandar Rankovic, enseignant à Sciences Po.
Et la perception des deux enjeux n’est pas la même. Comme l’explique de façon imagée ce dernier, «le climat symbolise le ciel qui nous tombe sur la tête et fait peur, tandis que la biodiversité attriste. Mais le secteur privé et les investisseurs sont en train de comprendre que c’est le sol qui se dérobe sous nos pieds.» Comme le souligne Brune Poirson, «le jour où les Maldives seront sous l’eau, il n’y aura plus d’hôtels».
Société, santé, environnement, éducation, énergie
Transition écologique: et la biodiversité, alors? - Le Figaro
Read More
No comments:
Post a Comment