S’il y a bien un secteur où la France a retrouvé une autonomie industrielle complète, c’est celui des masques sanitaires (masques chirurgicaux et FFP2). De quatre producteurs début 2020, l’Hexagone est passé à près de 25 en un an. Dans le même temps, les capacités de production sont passées de 3,5 millions à 100 millions d’unités de masques par semaine, ce qui couvre entièrement les besoins en France. Mieux : la filière a développé l’amont avec l’implantation sur le territoire de l’ensemble des productions de composants des masques : meltblown (matière première essentielle), barrettes nasales, élastiques… Et pourtant, la France continue d’importer, et ce de façon massive, des masques sanitaires.
Importations depuis la Chine
Selon les données publiées en ligne de la Direction générale des Douanes, plus de 134 millions de masques sanitaires ont été importés en février. Plus de 106 millions en mars, et plus de 68 millions en avril, acheminés pour l’écrasante majorité depuis la Chine. A l’heure où les masques ne sont plus obligatoires à l’extérieur mais le restent dans tous les lieux intérieurs, demeurant une des armes essentielles contre l’épidémie, les producteurs français s’interrogent sur cet état de fait.
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"C’est une aberration, c’est totalement incohérent", s’insurge Jeanne Lemoine, vice-présidente des Fabricants français de masques, syndicat constitué en 2020. Celle qui est aussi la directrice générale du Groupe Lemoine ne comprend pas pourquoi, "malgré la création d’une vraie filière industrielle, malgré les efforts gouvernementaux, et les investissements très importants des industriels, ce ne sont pas les fabricants en France qui obtiennent les appels d’offres mais les importateurs". Le syndicat cite deux exemples parmi d’autres, comme celui du ministère de l’Intérieur ou de certains conseils départementaux, tel récemment celui du Val de Marne, qui ont préféré signer des contrats d’importation.
Dumping chinois?
Arthur Allamand, directeur commercial de Savoy International et trésorier du syndicat dénonce une "concurrence d’une férocité déloyale". Selon lui, l’ensemble des coûts des composants d’un masque sanitaire s’élève aujourd’hui "au-dessus de 2 centimes par unité. Or les producteurs chinois le vendent à 2 centimes. Comment un masque qui coûtait 4 centimes en 2019 en importation peut être aujourd’hui à ce prix alors que les matières premières sont en très fortes tensions partout dans le monde et que leurs prix flambent ?". Assurant qu’aujourd’hui les producteurs en France parviennent à ce niveau de 4 centimes de 2019, signe d’une compétitivité réelle. Dans les rayons ou via les réseaux de vente en ligne, pour les achats des particuliers, les prix des producteurs français ne sont d’ailleurs pas plus chers que les masques importés depuis l’Asie.
Au-delà de soupçons de dumping chinois dans les appels d’offres, le syndicat ne comprend surtout pas pourquoi les organismes publics continuent de privilégier des achats sur les seuls critères de prix. Surtout pour les masques sanitaires, produits considérés depuis un an comme stratégiques en période de pandémie et pour lesquels l’Etat a depuis un an appelé à la souveraineté nationale pour la production, tout en soutenant administrativement et parfois même financièrement les projets industriels. Les producteurs français soutiennent également qu’au-delà de la sécurité sanitaire, l’achat d’un masque français "restitue 70% de la valeur en France contre 15% pour un masque importé", et dénoncent l’impact de l’empreinte carbone de ces importations quand les productions sont disponibles localement.
Changer les critères des appels d'offres
Jeanne Lemoine préconise "l’application des règles européennes qui permettent de faire barrage aux importations sur les produits stratégiques en période de pandémie". Le syndicat réclame ainsi que toutes les administrations, les institutions et les entreprises publiques achètent désormais des masques français plutôt que de privilégier les importations. Et ce en changeant les critères de sélection des appels d’offres pour privilégier, au lieu du prix, les critères de qualité, de sécurité d’approvisionnement et d’aspect environnemental. Le maintien de la TVA à 5,5% au-delà du 31 décembre 2021 est également réclamé.
Enjeu industriel
Derrière ces revendications, il y a évidemment un enjeu industriel de grande ampleur pour l'avenir de cette filière française de masques sanitaires. Elle s’était effondrée après la crise de grippe de 2009, qui n’avait finalement pas conduit à une épidémie, laissant la France totalement dépourvue lorsqu’a surgi la pandémie de Covid-19 au printemps 2020. De plus, les producteurs de masques en France ont investi pas loin d’une centaine de millions d’euros pour établir cette filière industrielle complète en moins d’un an. Tout en créant 10 000 emplois directs. En pleine pandémie. Peu de secteurs industriels peuvent avancer un tel bilan.
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