Il parle un français châtié à un rythme de mitraillette. Ce qui rend ses explications, parfois alambiquées, d’autant plus difficiles à suivre. Mais Ousmane Diomande, 21 ans, l’assure. Cette nuit du 7 au 8 avril, il n’a pas fait traverser la frontière à quatre compatriotes ivoiriens. « Je sais que vous avez été cléments avec moi, je ne peux pas me permettre de recommencer », argue-t-il.
Déjà condamné par le tribunal de Gap en août
Car le box des prévenus et la comparution immédiate, il les connaît. Il y était en août dernier pour les mêmes faits. Il y a été condamné à 12 mois de prison avec sursis. Mais cette fois, c’est différent raconte-t-il.
Les trois téléphones dans sa voiture ? L’un est à sa femme, l’autre c’est pour une appli via laquelle il fait des livraisons à Turin, où il vit, et l’autre c’est pour appeler au pays.
Les 11 traversées nocturnes de la frontière entre sa précédente condamnation et cette nuit d’avril ? C’est qu’il va souvent voir des amis, qui habitent à Grenoble, Briançon ou Clavière et que la journée il cumule deux emplois.
Les policiers qui lui ont fait signe de s’arrêter à Montgenèvre ? il ne les a pas vus.
Le fait qu’il s’y soit trouvé à 3 heures ? « Je venais ici, au tribunal pour mon téléphone, comme il ne m’avait pas été rendu, j’ai eu le secrétariat qui m’a dit que j’aurais plus d’infos en venant », dit-il.
Le coup de fil passé au diocèse de Briançon ? « Je voulais dormir à Briançon pour être tôt ici, mais mon ami n’était pas là. J’ai cherché un hôtel mais je n’en ai pas trouvé. »
« Ces gens, à 3 heures du matin, ils ne font pas de la randonnée »
« On a l’impression que vous adaptez vos réponses aux découvertes durant l’enquête », note Sophie Boyer, qui préside l’audience. Et puis, les quatre Ivoiriens, dont une fillette de 5 ans, lui auraient dit qu’ils habitaient à Briançon. « Ils étaient au bord de la route avec leur enfant, je les ai récupérés à Montgenèvre, on n’a pas traversé la frontière », maintient-il. « Vous suivez l’actualité ? Vous savez qu’il y a des migrants qui traversent la frontière ? Ces gens, à 3 heures du matin, avec une petite fille de 5 ans, ils ne font pas de la randonnée », souligne la présidente.
« Les explications sont assez floues et se délitent quand on le met face à ses contradictions et face aux évidences du dossier », tranche Mélanie Loridan, substitut du procureur. D’autant qu’il « savait à quoi il s’exposait ». Elle requiert 18 mois de prison et la révocation des 12 mois de sursis. « Il a vécu ce parcours migratoire et le fait subir aux autres », tance-t-elle.
L’avocat d’Ousmane Diomande préfère parler de « philanthropie ». « Il a rencontré trois personnes et un enfant de 5 ans, il a offert de les emmener là où cet enfant aurait pu avoir droit à une dignité humaine », plaide Me Kader Sebbar. « Est-ce que l’ordre public a été à ce point troublé pour infliger à ce jeune homme 28 ou 30 mois de prison ? », questionne-t-il.
Le tribunal suit les réquisitions et le condamne à 30 mois de prison avec mandat de dépôt. Ce vendredi soir, Ousmane Diomande a été incarcéré à Luynes.
Hautes-Alpes | Montgenèvre : le passeur interpellé alors qu’il se rendait au tribunal - Le Dauphiné Libéré
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